Le complotisme, ce virus du Net

L’essor des théories du complot sur Internet s’explique, selon le blogueur
Tristan Mendès-France, par une méconnaissance de cet outil par les utilisateurs.

Céline Loriou  • 23 mai 2013 abonné·es

Le complotisme n’a pas attendu l’arrivée du Net pour exister. Pour le blogueur Tristan Mendès-France, les théories du complot répondent aux peurs profondes des gens et se répandent comme des virus car « c’est quand on y est exposé qu’on les relaie ». Si Internet favorise grandement la diffusion de ces théories, c’est parce que la plupart des gens ne comprennent pas cet outil, estime Tristan Mendès-France. « Ils n’ont pas conscience que le Net ne nous renvoie que ce qu’on va y chercher », précise-t-il. Au moindre doute sur un fait, ils vont chercher sur le Net des informations qui ne feront que le corroborer. Et les articles complotistes marquent plus facilement les esprits que d’autres plus factuels : « Ces articles disent des choses “anormales”, donc beaucoup plus attirantes pour les lecteurs », explique le blogueur. Les sites conspirationnistes sont tous reliés par hyperliens, ce qui rassure le lecteur : « Ça ne peut pas être de la paranoïa si on est si nombreux à penser la même chose. »

Les conspirationnistes lisent l’actualité au microscope pour y chercher des contradictions internes : ils veulent prouver que derrière tout chaos régional se trouve une coordination internationale secrète. Ils fonctionnent mathématiquement : « À la moindre virgule fausse, ils estiment que tout est faux, mais on ne peut pas appliquer ce raisonnement à des faits humains », dénonce Tristan Mendès-France. Et cela a des conséquences géopolitiques, puisqu’en soulignant chaque zone d’ombre du conflit syrien ils contribuent à soutenir le régime… Dénoncer ces théories ne fragilise pas pour autant les réseaux conspirationnistes : « Ils nous traitent de chiens de garde de “l’establishment”, de petits soldats à la solde de la finance internationale et des médias qu’ils qualifient d’“officiels” », raconte le blogueur. « Lorsqu’on cherche à dénoncer ces théories du complot, on est instantanément accusé de faire partie du système, et pour ces conspirationnistes, ça prouve l’existence d’une coordination internationale », dit-il. Si Tristan Mendès-France ne soutient pas une censure de ces réseaux, qui pourrait faire leur jeu, il rappelle qu’il est important de dénoncer leurs théories pour « immuniser » ceux qui seraient susceptibles de tomber dedans. Il explique qu’elles présentent un réel risque d’ordre politique : « Ces théories virales peuvent conduire une foule de gens à adopter une posture d’esprit qui interpréterait tout de manière complotiste. […] Cela peut se traduire dans les urnes. » Selon le blogueur, cette immunisation doit passer par un apprentissage de l’outil Internet : « Il faut apprendre à manier le Net et comprendre que, tout en étant un instrument de la liberté d’expression, il nous cloisonne aussi dans nos opinions. »

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