Solférino étouffe le débat sur l’UE

Les socialistes votent ce jeudi sur leurs orientations européennes. La gauche du PS, qui n’a pu déposer un texte, fait valoir ses positions dans quatre amendements.

Michel Soudais  • 5 juin 2013 abonné·es

C’est jour de vote dans les sections socialistes. Mais un vote discret. Sans passion. Le PS tiendra le 16 juin une convention nationale pour « fixer les fondements de la réorientation de l’Europe que les socialistes français souhaitent porter » aux élections européennes du 25 mai 2014. Qui le sait ? À la demande de Matignon, tout a été mis en œuvre pour border le débat. Et empêcher que les militants ne s’en saisissent pour manifester leur mauvaise humeur à l’égard du gouvernement. Du coup, la principale interrogation porte sur le nombre de militants qui voteront, ce jeudi, sur le texte en discussion et les 13 amendements proposés. Lors de sa dernière réunion, le 13 avril, le conseil national du PS a expédié le sujet en à peine plus d’une heure de communications aussi fades que convenues des responsables des cinq groupes thématiques mis en place pour nourrir le texte présenté par la direction du PS à la convention. Deux semaines plus tard, le bureau national décidait que ce texte, titré « Notre Europe », serait seul soumis au vote des adhérents et qu’aucun texte alternatif ne pouvait être admis, obligeant la gauche du PS à remballer le texte qu’elle souhaitait déposer.

« Tout est organisé pour que cette convention soit un non-événement », peste Emmanuel Maurel, leader de l’aile gauche. Les quatre amendements que présente son courant, « Maintenant la gauche », où se retrouvent notamment Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj, Gérard Filoche et Julien Dray, sont noyés entre des amendements de forme et des amendements qui font l’unanimité, comme celui sur l’égalité hommes-femmes. Ils ont pourtant le mérite de « politiser un débat » que la direction préférerait étouffer. Le premier d’entre eux – numéroté 4 sur le bulletin de vote en possession des adhérents socialistes – est identique à celui déposé par « Un monde d’avance » (n° 5), la sensibilité qui rassemble les proches de Benoît Hamon, à une phrase près. L’un et l’autre défendent que, dans une période de croissance nulle, la priorité est à la relance de l’économie européenne et non à la réduction des déficits. Mais, alors que « Maintenant la gauche » réclame la « suspension » du Pacte de stabilité et sa « renégociation », « Un monde d’avance » se contente d’écrire que « son adaptation est nécessaire ». Aller plus loin aurait, paraît-il, compromis l’appartenance des hamonistes à la majorité, et donc à la direction du parti. Les deux courants se retrouvent toutefois pour appeler les socialistes européens, et notamment les eurodéputés du PS, à « refuser la baisse du budget européen ». On se souvient que le bureau national du PS s’était félicité du compromis trouvé à Bruxelles, avant que ses élus au Parlement européen ne le rejettent unanimement, Harlem Désir votant à Strasbourg contre ce qu’il avait approuvé à Paris.

Les deux courants présentent également deux amendements communs. L’un (n° 8) pour réclamer « une réforme de la politique monétaire européenne et des statuts de la BCE » qui mette fin à son « indépendance absolue […], sans aucun équivalent dans le monde », et demander de « mettre fin à l’euro surévalué ». L’autre (n° 10) pour appeler à « refuser le traité transatlantique ». Cet accord de libre-échange ne menace pas que l’exception culturelle, mais également l’industrie européenne, l’agriculture et ses dérivés, avec les OGM, souligne Emmanuel Maurel. Si ce traité était signé, ce serait « la fin de l’Europe solidaire et intégrée », pronostique Marie-Noëlle Lienemann, qui dénonce également un mauvais coup fait à « nos amis latino-américains ». Le quatrième amendement (n° 13) de « Maintenant la gauche », qui affirme qu’un « sursaut » est « urgent », se présente comme un ajout et une conclusion au texte de la direction. Il compile les demandes des amendements précédents dans « une feuille de route » à proposer aux « partis frères » européens, en vue d’ « une confrontation démocratique avec la droite européenne, qui veut condamner l’Union à l’austérité sans fin ».

Si l’actualité européenne joue en faveur d’un bon score de ces amendements, Emmanuel Maurel et ses amis doivent faire avec une particularité curieuse de ce scrutin qui, estiment-ils, risque de leur faire perdre 10 % : les militants devront d’abord approuver le texte de la direction s’ils veulent que leur vote sur les amendements soit pris en compte. Une schizophrénie imposée en quelque sorte. Qui a tout pour rebuter les militants les plus critiques.

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