Avignon joue l’atout chœur

Pour leur dernière programmation, les directeurs du festival ont misé sur des pièces à voix multiples.

Gilles Costaz  • 4 juillet 2013 abonné·es

Étrange Festival d’Avignon 2013, qui ne devrait pas faire polémique puisque tous les regards sont tournés vers 2014 et la passation de pouvoir entre les directeurs actuels, Hortense Archambault et Vincent Baudriller, et leur successeur, Olivier Py. Les premiers mettent en place une dernière fois leur formule : un programme conçu par eux mais élaboré en compagnie d’un ou deux artistes invités. Ce n’est pas tellement pour cette idée-là – une part des pouvoirs donnée chaque année à des partenaires différents – que Baudriller et Archambault avaient été critiqués depuis leur entrée en fonction il y a dix ans. Les reproches ont plutôt fusé sur un retrait relatif du théâtre du texte au profit d’un théâtre très plastique et aux confins des autres arts. En outre, plusieurs spectacles avaient choqué par leur crudité, leur érotisme, leurs formes plus proches de ce qu’on voit dans des centres d’art que dans un théâtre de répertoire.

Au fil des années, ces directeurs d’un nouveau style avaient tenu bon. Et les critiques s’étaient estompées, de grandes pièces du répertoire étant revenues à l’affiche, à l’intérieur d’un programme très contemporain et très international. En fait, c’est le cérémonial d’Avignon qui avait été changé et même cassé : l’ouverture avec une grande œuvre dont un acteur connu de tous jouait la figure principale, poursuivie par un mélange de classiques et d’inconnus. Avec Baudriller-Archambault, plus de soucis de tradition, de noblesse, de majesté. C’est autre chose : on donne ce qui paraît neuf, inédit, et on ne compose plus l’ensemble comme un bouquet élégant. Ce qui fait que, certaines années, il y avait une majorité de spectacles épineux. Pourquoi pas, même si l’on éprouve la nostalgie des années Faivre d’Arcier et Crombecque, bien plus adroits pour associer le patrimonial et l’incendiaire ? Mais les deux partants ont seulement eu la faiblesse de ne pas savoir constituer leur discours théorique, proclamant des lignes imprécises et se référant à Vilar, avec qui ils n’ont pourtant pas la moindre parenté.

Au cœur de l’ensemble volumineux qu’ils ont construit pour cet été, trois éléments dominent : les cycles composés par les deux artistes invités, le Français Stanislas Nordey et le Congolais Dieudonné Niangouna, et l’ouverture d’un nouveau lieu, la FabricA. Stanislas Nordey propose plusieurs événements, mais surtout l’ouverture dans la Cour d’honneur, avec sa mise en scène de Par les villages de Peter Handke. On devrait voir et entendre sous un nouvel angle cette pièce chorale où l’écrivain autrichien fait parler les personnages les plus divers d’un village, comme pour créer un verbe œcuménique et écologiste. Emmanuelle Béart, Annie Mercier, Laurent Sauvage, Richard Sammut font partie de la distribution. Le pari est difficile : le texte repose surtout sur la profération. Mais, dans son précédent spectacle à la Colline ( Tristesse animal noir d’Anja Hilling), Nordey a montré qu’il pouvait porter très haut et de manière très radicale un objet par nature littéraire. Dieudonné Niangouna a invité d’autres artistes congolais ou d’autres pays d’Afrique. On s’attachera à son œuvre personnelle, Sheda, jouée dans l’impressionnante carrière Boulbon. Ce sera également un texte choral, et sur l’un des sujets les plus brûlants qui soit : l’histoire récente de la République démocratique du Congo déchiré par les guerres et les dictatures. Mais la forme est éclatée, hantée, onirique et très littéraire.

Enfin, qu’est-ce que la FabricA ? Un nouveau lieu, en plein Avignon, mais extérieur aux remparts, où les troupes peuvent répéter et aussi jouer. On pourra y voir Faust, de Goethe, monté par l’Allemand Nicolas Stemann, et un Cabaret de Varsovie conçu par le Polonais Warlikowski. Bien d’autres spectacles sont à l’affiche du in. Dans le off, il y a 1 250 pièces et shows, dont beaucoup seront de belle qualité. À l’étranger, Avignon est souvent considéré comme une mythique « ville-théâtre ». Grâce à son trop-plein de spectacles !

Théâtre
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