L’aurait-il point un peu cherché ?

Der Punkt avance l’hypothèse que les « brutes rouges » ont assailli les jeunes pacifistes du NSDAP.

Sébastien Fontenelle  • 4 juillet 2013 abonné·es

Après que des adhérents du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) ont tué, jeudi 25 novembre 1938, un militant de gauche, les circonstances de cette mort restent floues, selon la presse bourgeoise, qui continue de s’interroger sur ce qui s’est vraiment passé. Cette presse n’a, certes, aucune sympathie particulière pour M. Hitler, président du parti nazi, dont certaines positions sont même jugées « excessivement outrancières » par beaucoup d’éditorialistes. Les mêmes, cependant, le créditent de son « iconoclastie »  : M. Hitler, estiment-ils, a le « mérite, insigne », de dire tout haut certaines vérités sans se laisser intimider par les « torquemadas du café du commerce » – les mêmes, selon la presse bourgeoise, qui portent une part de responsabilité dans le décès du militant antinazi tué le 25 novembre, car, n’est-ce pas, si ces extrémistes n’avaient pas si grossièrement diabolisé M. Hitler et ses sympathisants en les présentant systématiquement comme d’odieux racistes, alors que c’est quand même un peu plus compliqué que ça, ce drame aurait sans doute pu être évité.

La presse bourgeoise se demande, en effet, si l’homme tombé jeudi sous les coups des nazis, endoctriné par les anti-antisémites, ne l’aurait pas un peu cherché : n’avait-il pas tendance à s’emporter un peu vite, et à se montrer exagérément agressif – et intolérant –, en présence de nazis ? L’hebdomadaire Der Punkt (dont le fondateur avait déclaré, au lendemain de la Nuit de cristal, qu’il se sentait, quant à lui, « un peu antisémite », et qu’il entendait désormais pouvoir « le dire » sans être aussitôt accusé de faire le jeu de M. Hitler, parce que bon, ça commence à bien faire, le terrorisme intellectuel de la vermine gauchiste) a pris connaissance de la déposition d’un passant qui avait assisté au « début de l’altercation » qui a opposé, jeudi, plusieurs militants antinazis à des chemises brunes. Selon ce « témoin-clé », les nazis étaient venus en paix, ils n’embêtaient personne, ils tendaient juste le bras en hurlant « Juden, raus ».

Les antinazis, en revanche, donnaient l’impression de « vouloir en découdre »  : ils avaient vraiment « l’air de les haïr », les partisans de M. Hitler, souligne Der Punkt – qui avance l’hypothèse que les « brutes rouges » ont alors assailli les jeunes pacifistes du NSDAP, et que c’est en essayant de porter un coup « particulièrement vicieux » dans le dos d’un Gruppenführer que l’un de ces « bolcheviques homicides » a trouvé la mort après avoir trébuché contre le rebord d’un trottoir. Et certes : les journalistes de l’hebdomadaire ont conscience que cette « révélation » ne sera « pas du tout du goût des bobos berlinois de Charlottenburg, qui préféreront toujours leur logique d’inquisition aux saines vertus du débat démocratique avec les amis de M. Hitler ». Mais ils assurent qu’ils ne se laisseront niemals museler par la police de la pensée antiraciste – et d’ailleurs ils publieront, dès la semaine prochaine, un dossier « sans tabous » sur « ce judaïsme sans gêne » qui fait rien qu’à se comporter comme s’il était chez lui dans le Reich.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes