François Hollande fait de l’écologie de tribune

Comme en 2012, le président de la République a vanté, avec des accents gaulliens, « l’incontournable » transition écologique à l’ouverture de la Conférence environnementale. Pour mieux cacher la misère après une année de quasi sur-place ?

Patrick Piro  • 20 septembre 2013
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François Hollande fait de l’écologie de tribune
© Photo: CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

On va finir par croire , après les envolées de Chirac au sommet de Johannesburg (« Notre maison brûle »…), de Sarkozy lors du Grenelle de l’environnement puis de Hollande à l’occasion des conférences environnementales, que l’écologie, pour nos dirigeants, c’est pratique, sert surtout à se donner à peu de frais une stature d’homme d’État qui compte dans l’histoire — important, en France, nostalgique de son rang perdu de grande puissance.

Hollande, selon un plan qui satisfait l’esprit, nous en a donné une nouvelle preuve ce vendredi 20 septembre, devant le parterre des participants à la conférence environnementale : d’abord parler de la planète et de l’urgence climatique, en abordant pour la première fois en public la conférence annuelle sur le climat qui aura lieu à Paris en 2015. « Nous avons obligation de réussir » , a-t-il dit, une sorte de Protocole de Kyoto 2, ambitieux, avec tous les pays, contraignant, etc. Bref, tout ce dont veulent surtout les pays pauvres de la planète qui se font rire au nez depuis Copenhague (2009) par les « grands ». Aucune chance d’aboutir.
Ensuite, le Président veut que l’Union européenne se dote d’une politique de l’énergie, qu’elle régule, finance, sécurise, réduise, instaure… Les moulinets habituels : il y a 27 pays auxquels tordre le bras dans un sens ou un autre.

Quelques biscuits… imprécis 

La France, enfin. Ça y est, la conscience est parvenue aux étages supérieurs : la transition énergétique est « un choix politique majeur (…), un acte de conviction » .
Première priorité : la sobriété énergétique. Enfin. Cela fait des décennies qu’on attend l’affirmation de cette évidence, qui va à l’encontre des intérêts des grands énergéticiens nationaux. Oui, mais. Hollande se contente de rappeler les grandes promesses de sa campagne (500 000 logements anciens rénovés par an d’ici à 2017), de renvoyer abondamment à la loi de programmation énergétique qui ne sera pas discutée avant le printemps prochain, pour une adoption prévue pour fin 2014.

Rendons-lui justice, son discours offre quelques biscuits. Ainsi, les travaux de rénovation thermique seront favorisés par une prime de 1 350 euros s’ajoutant aux autres aides, et, surtout, la TVA retombe à 5 % (au lieu de 10 % prévus pour 2014). C’est l’annonce phare du jour. En revanche, le dispositif de « tiers financement » (une arlésienne) reste dans l’imprécision : des appuis financiers de la Caisse des dépôts et consignations de manière à rendre les opérations de rénovation presque neutres (les économies de chauffage remboursant les prêts). Tout cela se pratique avec grand succès en Allemagne depuis près de quinze ans…

Le non-dit nucléaire

Limiter l’étalement urbain, favoriser les alternatives à la route.  Le chef de l’État a consacré moins de deux minutes à ces sujets. Probablement mineurs, donc. La diversification énergétique ? Morceau de bravoure, c’est d’abord développer la voiture, « élément de liberté, et dont beaucoup de Français ne pourront pas se passer »  ! Les modèles électriques surtout. Hollande veut des bornes de recharge « partout en 2015 » . Donc, si on entend bien ce qu’il n’a pas dit, vive le nucléaire, dont ces voitures auront tant besoin pour rouler !

D’ailleurs, le chapitre se résume en une phrase : « Fessenheim sera bien fermée d’ici à 2016. » On l’a tellement entendu le réaffirmer que cela en devient suspect : ce n’est donc pas si sûr ?
Un bon point – à l’oral – pour une modification qui viendra suturer une faille législative française : l’État compte enfin reprendre la main en passant par dessus EDF, qui a toute légitimité pour prolonger la vie de ces centrales si ça lui chante, et en dépit des décisions démocratiques. Mais bon, on n’imagine pas que la pichenette fera  trembler les industriels et les ingénieurs des Mines, qui règnent sur la politique énergétique depuis de lustres – les gouvernements leur sont d’ailleurs alliés depuis toujours.
À nouveau, on ne saura rien sur la réalisation de la promesse de Hollande de réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici à 2025… La baguette magique s’appelle-t-elle « réélection en 2017 » ? Un boom des énergies renouvelables, gratifiées de son affection mais pas d’un euro de plus ?

Un bras d’honneur à EELV

Et pour la fiscalité écologique, on en reste à une homéopathique dose – et tiens, dont rien n’a été précisé. On taxera le contenu carbone des énergies fossiles, mais « graduellement » , et les montants seront redistribués entre les particuliers et les entreprises – en quelle proportion ? Hollande ne prend même pas la peine d’évoquer l’abandon du rattrapage de la fiscalité diesel.
Tout cela est en-deçà de la plus modeste des propositions du comité sur la fiscalité écologique. EELV, que le recul avait fort énervé, est édifiée : le Président réitère son bras d’honneur.

On pourra aussi déplorer que la transition énergétique ait été l’unique thème de son discours (rien sur la biodiversité, l’eau, les déchets…). De quoi lui permettre de prononcer une dizaine de fois le mot « compétitivité », et parfois « environnement » en queue d’énumération : la transition énergétique, il faut d’abord qu’elle ne froisse pas les industriels, chouchous du gouvernement.
Voilà ce que François Hollande a appelé la « responsabilité et la noblesse du politique » , cette capacité « à prendre des décisions aujourd’hui » au nom de leur « portée historique pour les générations futures » , et même si « ça ne plaît pas à certains » . La loi de programmation énergétique de 2014 sera « l’un des textes les plus importants du quinquennat » , avec « l’image de la France qui montre l’exemple » .
Hélas, on a guetté en vain l’ébranlement de la nation sous le souffle de la révolution…

Politique
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