Coup de force ou coup de bluff islamiste ?

Dans un communiqué, un rassemblement de factions islamistes dit vouloir prendre ses distances avec le Conseil national syrien.

Nicolas Salvi  • 3 octobre 2013 abonné·es

La décision, annoncée le 24 septembre, de treize factions rebelles de rompre avec le Conseil national syrien risque d’affaiblir considérablement l’opposition au régime de Damas. Elle risque aussi de remettre en cause la représentativité des interlocuteurs des pays occidentaux, et en particulier, de la France, rendant plus improbable encore la livraison d’armes aux courants laïques. L’objectif de l’initiative est clair : mettre sur pied une alliance entre ces différents groupes contre un CNS qui « ne [les] représente pas », car trop complaisant à l’égard de l’Occident. Si tous les groupes ayant signé le texte peuvent être qualifiés d’islamistes, le panel idéologique s’étend des courants modérés aux salafistes, voire aux simples opportunistes. Détail important : Jabhat al-Nosra, faction affiliée à Al-Qaïda, fait partie des signataires. Difficile toutefois de savoir quelles seront les conséquences de cette décision. Sur le plan idéologique, s’il est expliqué que toutes les forces civiles et militaires devraient faire de la charia « l’unique source de législation », le flou persiste, les différents groupes ayant de ce concept des interprétations très différentes. Mais il est aussi possible que l’on ait affaire à un simple effet d’annonce. En novembre 2012, déjà, une alliance à coloration islamiste avait publié un communiqué dénonçant la formation du CNS.

Aujourd’hui, les factions concernées représentent un nombre important de combattants sur le terrain, notamment dans le nord du pays et dans les villes de Homs et de Damas. Pour le Conseil national syrien, perdre le soutien de ces factions serait gravissime. L’attitude de la Northern Storm Brigade illustre bien la prépondérance des islamistes dans cette partie du pays. Cette faction, formée essentiellement de trafiquants, qui, en mai dernier, avaient accueilli John McCain dans la bonne humeur, s’est inventé illico un discours religieux par crainte de l’isolement. La menace d’une scission effective est-elle crédible ? Le texte, intitulé « communiqué n°1 », laisse supposer qu’il aura une suite. En attendant, aucun signe concret ne laisse deviner l’apparition d’une véritable alliance, unie sous une même bannière. Côté CNS, Anas al-Abdeh, membre du bureau politique et lui-même islamiste, a tenté de minimiser l’événement en déclarant que le texte « ne représente pas les plus importants effectifs de l’Armée syrienne libre sur le terrain ». Il a surtout déploré le fait que Jabhat al-Nosra fasse partie des signataires : « Son agenda n’est pas syrien, et il est opposé au projet national. » Une chose est sûre, la publication du communiqué risque de compliquer le travail politique et diplomatique du CNS, qui table sur un soutien occidental.

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