RMC : La radio du « tout fout le camp »

RMC talonne aujourd’hui les grandes stations, avec un recours systématique aux auditeurs, encouragés à exprimer grogne et râleries.

Jean-Claude Renard  • 21 novembre 2013 abonné·es

Ce n’est plus la radio des taxis ni celle des supérettes. Moribonde il y a dix ans, RMC se rapproche aujourd’hui des grandes stations. En une décennie, sa part d’audience est passée de 1,9 à 8,1 points. Soit 4,2 millions d’auditeurs. C’est évidemment la plus forte progression de toutes les radios généralistes. Jusqu’à se placer sur les talons d’Europe 1 et de France Info, selon les derniers chiffres de Médiamétrie. Un succès d’audience qui repose sur une triplette : l’actu, le talk et le sport. Figure emblématique et locomotive de la station : Jean-Jacques Bourdin, animant de sa chaude voix une très longue matinale, de 6 h à 10 h. D’abord une série d’invités tous azimuts, puis, à 8 h 35, l’interview politique. Celle qui a fait la réputation de Bourdin. Avec ses questions directes et piégeuses, ses manières d’insister. Le journaliste ne conduit pas un entretien, il interrompt, martèle, enjoint : « Je vous pose franchement une question entre nous »  ; « Répondez-moi directement ! »  ; « Les yeux dans les yeux. »

Après la partie politique (également diffusée sur BFM TV, appartenant au même groupe, Next Radio), entre 9 h et 10 h, place aux auditeurs et à leur avis sur l’actualité, entre deux réclames. Souvent un long râle plaintif et/ou colérique. Bourdin y ajoute ses emportements, ponctue par un « c’est surréaliste ! ». Le plus souvent, il reste calé dans l’empathie, caresse dans le sens du poil. « Vous n’avez pas tort », dit-il régulièrement à son auditeur. Porte-voix des « sans voix », de tous ceux qui souffrent de la crise, c’est sa marotte. « On écoute tout le monde et chacun a le droit d’être écouté. » Une méthode un brin démago, éprouvée il y a une dizaine d’années sur RTL avec son émission « Les auditeurs ont la parole », jamais très loin du « tous pourris ». Ce recours à l’auditeur, marque de fabrique de la station, on le retrouve dans l’émission suivante, « Les grandes gueules », de 10 h à 13 h, portée par Olivier Truchot et Alain Marschall. Véritable café du commerce, beauf et populiste, où se croisent parfois au comptoir les voix de Gilles-William Goldnadel, Gilbert Collard, Bernard Debré et Renaud Muselier, ajoutées à celles des auditeurs. Trois heures dites « 100 % opinion, 100 % libre expression », où l’on cause et s’écharpe autant sur le foot que sur les impôts et l’écotaxe, de révoltes en carton-pâte en faux baroufs. Où l’on s’accommode fort bien d’un climat social explosif, plus encore dans l’émission « Carrément Brunet », de 13 h à 14 h, d’Éric Brunet : encore un grand show, alternant coups de gueule et indignations d’un lyrique droitier assumé et décomplexé, triant sur le volet ses auditeurs en quête de grogne.

Voilà pour l’actu du jour, qui se retire pour deux heures de pseudo-cul animées par l’ancienne star du porno français Brigitte Lahaie, reconvertie en psy, confidente des auditeurs livrant leurs émois sexuels. Après quoi, et jusque dans la soirée, place au sport avec « Luis attaque » (excusez la finesse du jeu de mots), de Luis Fernandez, puis le « Moscato show », de Vincent Moscato. Ce sont d’autres moments de bistrot. On y discute résultats, on pronostique, on se tape sur l’épaule, on y entend les supporters. In fine, c’est comme s’il y avait une seule émission sur RMC, avec un animateur vedette pour des sujets différents, mais toujours selon le même conducteur. Où la parole des auditeurs vaut celle de l’animateur, la dépasse même parfois en temps d’antenne (c’est toujours moins de travail), faisant la part belle aux discours démagogiques, surfant sur les lieux communs du moment, au détriment de l’analyse. Partie de l’info, RMC s’est faite radio de proximité. Les prochaines municipales devraient renforcer encore son audience (le slogan est déjà lancé : « Les municipales ressemblent à RMC, car RMC ressemble aux Français » ). Avec des auditeurs « libérés », qui doivent tout de même s’acquitter de 34 centimes d’euro la minute (idem pour RTL) pour prendre l’antenne, contre un appel gratuit sur France Inter. C’est à se demander si RMC n’a pas ses propres fichiers d’auditeurs à joindre selon les thèmes du jour propices aux réactions. En PCV ?

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