IVG : la protestation contre le projet de loi espagnol s’organise

La limitation de l’accès à l’IVG en Espagne marque un recul européen. En réaction, plusieurs manifestations sont prévues en janvier pour le droit à l’avortement.

Lena Bjurström  • 3 janvier 2014
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IVG : la protestation contre le projet de loi espagnol s’organise
© Crédits Photo : AFP/JAVIER SORIANO

Le 27 décembre dernier, le gouvernement espagnol a validé un projet de loi prévoyant la restriction de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

En Espagne, une loi de 2010 autorise l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse, et 22 semaines en cas de malformation du fœtus. Ce nouveau projet de loi limiterait le recours à l’IVG à trois situations :

–En cas de risque pour la vie et la santé physique ou psychologique de la femme, ce risque devant être diagnostiqué par deux médecins extérieurs à l’établissement pratiquant l’IVG.
–En cas de viol, à condition que la femme ait porté plainte
–En cas de malformation fœtale, sous réserve de deux rapports médicaux.

Enfin, en cas d’adoption du projet de loi, les mineures auraient besoin d’une autorisation de leurs parents pour interrompre une grossesse non désirée.

« Un mouvement réactionnaire »

Pour le Planning familial , cette initiative illustre la volonté du gouvernement espagnol de « maintenir les femmes dans un statut social étroit et de soumission » et s’inscrit dans un « mouvement européen réactionnaire et conservateur qui n’a toujours pas accepté le droit des femmes à disposer de leur corps » .

En Europe , seuls Malte et Andorre interdisent formellement l’avortement, mais d’autres pays en restreignent strictement l’accès. En Pologne, il n’est autorisé qu’en cas de viol, d’inceste et de danger pour la vie ou la santé de la mère. Interdit en Irlande jusqu’en juillet dernier, il est à présent autorisé si la vie de la femme est en danger, un risque qui doit être certifié par des médecins.
En Italie, si l’interruption d’une grossesse non désirée est légale, l’accès y serait de plus en plus limité. Selon les chiffres de l’Institut italien de la statistique (Istat), environ 80 % des gynécologues refuseraient de pratiquer l’IVG en ayant recours à la « clause de conscience » prévue par la loi.

En Russie, l’avortement – autorisé – est critiqué et remis peu à peu en question dans le cadre d’une lutte du gouvernement contre une démographie en déclin. Au mois de novembre dernier, le président Vladimir Poutine a signé une loi interdisant toute affiche et toute publicité concernant l’avortement. D’autres mesures seraient envisagées, comme la fin du remboursement de l’avortement en clinique publique ou l’obligation d’un accord parental pour la prescription de la pilule du lendemain aux mineures, ou de l’époux pour les femmes mariées.

Enfin, en Suisse, les citoyens devront se prononcer sur la fin du remboursement de l’IVG par les caisses d’assurance maladie, une proposition d’initiative populaire qui sera soumise au vote le 9 février.

Vers un recul européen ?

Au sein de l’Union européenne , un texte qui réclamait un accès généralisé à la contraception et à des services d’avortement sûrs a été rejeté en décembre par le Parlement européen. Ce rapport, porté par la socialiste portugaise Edite Estrela, bien que non contraignant pour les États membres, inscrivait symboliquement l’accès à l’IVG comme un droit européen. Il a été remplacé par un texte porté par des députés conservateurs affirmant la primauté des États sur cette question.

Lire > Les droits des femmes victimes d’une erreur de traduction?

Illustration - IVG : la protestation contre le projet de loi espagnol s’organise - Manifestation du Planning Familial à Paris, devant l'ambassade d'Espagne le 27 décembre 2014 (AFP/Pierre Andrieu)

Un « recul » , selon les féministes européennes, qui semble encourager le gouvernement espagnol. Le ministre de la Justice Alberto Ruiz-Gallardon a annoncé fin décembre qu’il se rendrait à Bruxelles en février pour expliquer ce projet de loi sur l’avortement.

« Je suis convaincu que cette initiative aura des prolongements dans les parlements d’autres pays européens » , a-t-il déclaré au quotidien monarchiste ABC le 27 décembre.

En France et ailleurs, plusieurs manifestations sont organisées pour défendre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse et contre le projet de loi espagnol.

Les rassemblements prévus en janvier

9 janvier
– À Montpellier, à 12 h 30 devant le consulat espagnol.

11 janvier
– À Montpellier, à 14 h 30 place de la Comédie.
– À Lyon, à 14 h 30 devant la mairie de Villeurbanne (Métro A, arrêt Gratte-Ciel), à l’initiative de la plateforme féministe 69. (Les partis politiques, les organisations politiques et syndicales sont invitées à participer sans visibilité.)
– À Bordeaux, à 11h, devant le consulat d’Espagne.

18 janvier
– À Lyon, devant l’ambassade d’Espagne (horaire à confirmer).
– À Genève, à 14 h, rue du Mont-Blanc, contre la fin du remboursement de l’IVG en Suisse.
– À Lille, à 14h30, place de l’Opéra
– À Rennes, à 15h, place de la mairie (information à confirmer)

19 janvier
– À Clermont-Ferrand, à 14 h, place de Jaude.

Cet article sera remis à jour.

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