Ukraine : Une semaine sous haute tension

Le drame d’Odessa mobilise une partie de la population qui était jusque-là restée à l’écart des manifestations pro-russes.

Léa Ducré  • 8 mai 2014 abonné·es

Le pire était attendu pour le 9 mai, jour férié commémorant la victoire soviétique contre les nazis. Car l’actualité ne cesse d’entrer en résonance avec ce passé qui alimente la propagande des partisans d’un rattachement de l’est de l’Ukraine à la Russie. Ce retour du passé était d’autant plus redouté qu’il intervenait après une semaine au cours de laquelle la violence n’avait cessé de gagner du terrain. Le 2 mai a même été la journée la plus meurtrière depuis la fuite de l’ex-Président Viktor Ianoukovitch. À Odessa, quatre partisans de l’Ukraine unie ont été tués et près de 40 personnes, majoritairement des pro-russes, ont péri dans l’incendie criminel de la Maison des syndicats, là où ils avaient trouvé refuge alors que certains avaient attaqué une manifestation.

Le même jour, l’armée ukrainienne a tenté de reprendre le contrôle de la ville de Slaviansk, fief des insurgés pro-russes. Quatre membres des forces de l’ordre ont été tués et une trentaine ont été blessés, selon le ministère de l’Intérieur ukrainien. Mardi, la ville était toujours assiégée et les combats se poursuivaient. Non loin de là, à Kramatorsk, l’armée a lancé une offensive similaire pour reprendre aux rebelles le siège des services de sécurité et la tour de la télévision. À Donetsk, un millier de pro-russes ont tenté dimanche soir de s’emparer du bâtiment du parquet militaire, en réalité déjà abandonné. «  Nous ne pardonnerons pas pour Odessa ! », scandaient les manifestants. À Kharkiv, malgré l’interdiction de manifester, quelque cinq cents militants pro-russes se sont rassemblés devant un monument de Lénine, clamant qu’ils « n’oublieraient pas » et « ne pardonneraient pas  » les événements d’Odessa. À chaque nouveau drame, le ressentiment dans les deux camps se creuse, l’esprit de vengeance grandit. À Odessa, environ 2000 séparatistes ont lancé, le 4 mai, un assaut contre le siège de la police et libéré 67 de leurs camarades. Le Premier ministre, Arseni Iatseniouk, a annoncé le limogeage et le remplacement de tous les hauts responsables de la police de la ville. Les deux camps ont en ligne de mire deux échéances électorales contradictoires : l’élection présidentielle du 25 mai pour les partisans d’une Ukraine unie, et un référendum d’autodétermination qu’ils prévoient pour le 11 mai pour les pro-russes. La question porterait sur la création d’une « République », mais rien n’indique que celle-ci adhérerait ensuite à la Fédération de Russie. À Kiev, on réagit évidemment très vivement à ce projet. Arseni Iatseniouk évoque un «   plan de la Fédération de Russie pour détruire l’Ukraine ». Pendant ce temps, le Kremlin brandit son Livre blanc, un rapport officiel de 80 pages dans lequel les autorités russes dénoncent des violations « massives » des droits de l’homme en Ukraine, telles que rapportées par les médias et les ONG.

Sur le plan diplomatique, le président de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Didier Burkhalter, prévoit de se rendre à Moscou. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a pour sa part offert sa médiation en début de semaine. En Allemagne, le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, plaide, lui, pour une nouvelle conférence de Genève, malgré l’échec cuisant de la première. Quant à Laurent Fabius, il menace la Russie d’un troisième niveau de sanctions en cas d’annulation de l’élection présidentielle du 25 mai. Un avertissement repris par Barack Obama et Angela Merkel, alors que le scrutin, compromis à l’Est, n’aura de toute façon qu’une légitimité très discutable. En attendant, plusieurs dizaines d’avions russes ont été aperçus en début de semaine au-dessus de la Crimée. Ces opérations pourraient annoncer la visite de Vladimir Poutine dans la péninsule pour les célébrations du 9 mai.

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