La fronde « jusqu’au bout »…

Devant des socialistes en quête d’unité à gauche, Jean-Marc Germain, député « frondeur », a exposé les raisons de sa rupture avec l’exécutif.

Michel Soudais  • 19 juin 2014 abonné·es
La fronde « jusqu’au bout »…
© Photo: Michel Soudais

La détermination des « frondeurs » du PS ne faiblit pas. Plusieurs d’entre eux participaient, samedi, après le conseil national du PS, à une réunion militante organisée par Un monde d’avance, dans la salle des fêtes de la mairie du XIe arrondissement. Toutes les sensibilités critiques du PS avaient répondu à l’invitation de Guillaume Balas, nouvel élu européen, qui supplée à l’absence – la défection, disent certains – de Benoît Hamon à la tête de ce courant, pour débattre des conditions du rassemblement de la gauche avec David Cormand, numéro deux d’EELV, et Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.

Si les grands axes d’une convergence entre les familles de la gauche ont été plus ou moins évoqués – refus des politiques d’austérité, réforme institutionnelle, intervention de l’État, réforme bancaire, transition énergétique… –, l’occasion a surtout permis d’entendre des députés qu’on n’avait pas l’habitude de voir aux côtés d’Henri Emmanuelli ou de Marie-Noëlle Lienemann. C’est le cas de Jean-Marc Germain, un des animateurs de l’Appel des cent, ce regroupement de députés contestataires qui s’apprêtent à déposer une batterie d’amendements sur le projet de loi de finances rectificatif et sur celui du financement de la Sécurité sociale. Jusqu’à ces derniers mois, cet ancien directeur de cabinet de Martine Aubry, 48 ans, polytechnicien, député des Hauts-de-Seine depuis 2012, avait « toujours appartenu à la majorité du parti ». Du coup, « peu habitué à ce type de rassemblement », comme il l’a reconnu d’entrée, il ne s’est guère étendu sur les conditions du rassemblement de la gauche : « Ce que nous avons à faire, c’est de faire ce que nous avions dit que nous ferions quand nous étions dans l’opposition. » Un écart qui explique son basculement. Refusant catégoriquement l’idée, avancée par Manuel Valls le matin même, que le PS n’avait pas assez travaillé et n’était pas préparé au pouvoir, il reproche à mots couverts à l’Élysée d’avoir rompu une maxime jospinienne : « Gouverner, c’est exécuter ce qu’on a pensé dans l’opposition. » « Si on se met à tout repenser, poursuit-il, on repense avec des hauts fonctionnaires qui, dans notre pays, c’est malheureux, sont très imprégnés du monde de la finance. »

Sans « incriminer personne », il raconte comment, passé les premières mesures qui ébauchaient la mise en œuvre des engagements du candidat, « on a commencé à renoncer ». Et met en cause une « conception de la République où l’exécutif considère que c’est lui qui décide », sans dédouaner sa propre « part de responsabilité » pour avoir « voté ce qui  [lui] était présenté ». Après quelques « alertes », comme la loi bancaire ou le CICE, « la vraie rupture » qui le « conduit à dire stop, ce n’est plus possible » se produit le 14 janvier, quand François Hollande annonce en conférence de presse qu’aux 20 milliards d’aides aux entreprises du CICE, il ajoute 20 milliards « financés par un gel des prestations et des augmentations d’impôt des classes moyennes et modestes ». « Cette politique va conduire à augmenter le chômage dans les vingt-quatre mois », assure Jean-Marc Germain. Mais quand, avec d’autres députés, il fait part des analyses en ce sens faites par de nombreux économistes à « un ministre haut placé dans la sphère des décisions économiques », celui-ci répond : « Je ne sais pas ce qu’est un économiste. » Le ministre met en œuvre ce que le Président a décidé, explique-t-il, comme pour l’excuser.

Persuadé que « ça va mal se passer pour le pays, les socialistes et la gauche » si le gouvernement persiste dans cette voie, Jean-Marc Germain conclut sur sa détermination et celle de ses amis. « On ne sait pas combien on sera, mais on considère qu’on a le droit d’aller jusqu’au bout dans l’hémicycle pour faire entendre une autre parole. »

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