Le nouveau Gault&Millau : rien de nouveau !

Jean-Claude Renard  • 29 octobre 2014 abonné·es
Le nouveau Gault&Millau : rien de nouveau !
© Photo : Patrick Kovarik/AFP

Dans le landerneau gastronomique, c’est un marronnier. Un petit marronnier, parce qu’il faut bien reconnaître que la sortie de la dernière édition du Gault&Millau n’a pas l’aura médiatique du Michelin (ne parlons pas des autres guides, qui ne sont lus que par ceux qui les rédigent). Peu de commentaires, peu de JT, et moins encore de fuites pour révéler bien amont les nouveaux promus, faire le buzz sur les élus, les récompensés, les titrés et les palmés.

La palme, cette fois justement, revient à Yannick Alléno , qui emporte le titre de « Chef de l’année ». Choix curieux s’il en est. Alléno n’est pas une découverte, ni le perdreau de l’année, qui aurait besoin d’un tremplin, lancé qu’il est sur les traces d’Alain Ducasse : nommé à la fin de l’été à la tête des cuisines du Pavillon Ledoyen, palace parisien dans le triangle d’or, Yannick Alléno est aussi au 1947 et au White, à Courchevel, au Terroir parisien, à nouveau dans la capitale (au Palais Brongniart et à la Maison de la Mutualité), encore à l’hôtel Salomon de Rothschild. On le retrouve aussi au Dior des Lices, à Saint-Tropez, ou bien encore dans trois établissements à Marrakech, trois autres à Dubaï, un à Pékin, deux autres enfin à Taipei. Dans ce tourbillon « gastronomique », Alléno a aussi créé sa propre structure éditoriale et son école de cuisine. C’est ce qu’on appelle un homme de son temps pour celui qui se dit être « un chef contemporain ».


Illustration - Le nouveau Gault&Millau : rien de nouveau !


Déjà auréolé de trois étoiles au Michelin en prenant les rênes du Ledoyen, le voilà donc pourvu de l’estampille « Chef de l’année » du Gault&Millau 2015 . L’an passé, le guide avait eu au moins le bon goût de récompenser Arnaud Lallement, remarquable chef propriétaire, au Tinqueux, aux portes de Reims, calé toujours dans ses cuisines, non pas salarié des grands groupes possédant leurs kyrielles de palaces où les chefs se succèdent comme les joueurs de foot, d’un mercato l’autre (au reste, à peine auréolé février dernier de trois étoiles au Michelin, Lallement a reçu une pleine bordée de propositions pour ouvrir ici et là des restaurants ; il a tout refusé). Le Gault&Millau eût mieux fait de sacrer Alléno il y a quelques années, quand il était encore aux cuisines du Meurice, cet autre palace (repris depuis son départ par Alain Ducasse). Le guide arrive donc avec les carabiniers, quand les carottes sont déjà cuites et son chef mué en business man de la casserole.

Surtout, il fut un temps où le Gault&Millau prenait bien plus de risques dans ses choix, se montrait plus audacieux. C’était le temps de ses fondateurs, Henri Gault et Christian Millau, agités de l’assiette dans les années 1970 et 1980, donnant leur nom à un guide qui, précisément, avait envie d’en découdre avec le Michelin et ses sacres ronflants. On y trouvait des perles d’adresses, beaucoup de jeunes prometteurs qui ont plus tard fait leur chemin. Loin de la nomenclature sévère du Michelin , l’ouvrage se voulait un guide d’humeur, et parfois de mauvaise humeur. Aujourd’hui, pour le lecteur de ces guides « historiques », la différence entre l’un et l’autre est difficile à cerner. Si le ton est resté minimaliste au Michelin , on y retrouve à peu près les mêmes noms, les mêmes cotations (sur 4 400 restaurants dans le Michelin , contre 3 500 pour le Gault&Millau ). Cette édition n’y échappe pas. Même si elle a le bon goût de saluer Guillaume Monjuré (le Palégrié, à Lyon), Paul Courtaux (le Saint-Georges, à Palavas-les-Flots), Guillaume Iskandar (Garance, Paris 7e), Benjamin Toursel (l’Auberge du Prieuré, à Moirax), ou de rappeler le talent de Valère Diochet (Le Pont au Chat, à Strasbourg), ou celui de Jean-Marc Notelet (Caïus, Paris 17e).

Gault&Millau 2015 , 890 p. ; 29 euros.

Culture
Temps de lecture : 4 minutes