État islamique : Mal absolu et mal relatif

Décryptage. L’assassinat d’un otage américain a suscité l’usage de mots étonnants.

Denis Sieffert  • 20 novembre 2014 abonné·es
État islamique : Mal absolu et mal relatif
© Photo : AFP PHOTO / Kassig Family handout

On conviendra que l’art du communiqué officiel est ardu quand il s’agit de transformer l’impuissance en puissance. Que dire quand on est président américain ou français après l’annonce de la décapitation d’un otage, qui plus est ressortissant de votre pays ? Les mots « barbarie », « crime contre l’humanité » paraissent bien usés et semblent appartenir à une sorte de rituel dont il convient de s’acquitter. Mais, même dans cet exercice périlleux, il faut que les États-Unis se distinguent. Commentant l’assassinat de Peter Kassig par l’organisation État islamique (EI), Barack Obama a parlé de « mal absolu ». Une formule que l’on aurait été moins étonné de trouver dans le vocabulaire de son prédécesseur George W. Bush, qui était persuadé d’être détenteur d’une parole messianique. C’est un peu le retour du fameux « axe du mal ».

Mais, s’il y a un « mal absolu » , on est en droit de se demander où est, dans l’esprit des communicants de la Maison Blanche, le « mal relatif ». Dans les bombes américaines sur l’Irak, en 2003 ? Dans les bombes israéliennes sur Gaza, l’été dernier ? Ou même dans les massacres commis par l’EI contre les villages sunnites quand les victimes ne sont pas Américaines ? Ou encore dans ceux que continue de commettre Bachar al-Assad contre la population syrienne, à coups de barils de TNT projetés sur les civils, et cela dans l’indifférence générale ? Autant de crimes qui n’ont pas droit au même « statut » dans les discours officiels.

Et que dire des décapitations de délinquants, grands ou petits, hommes ou femmes, en Arabie Saoudite ? Relèvent-elles du mal relatif ? La monarchie saoudienne a déjà exécuté 58 personnes au sabre depuis le début de l’année. « Barbarie » ou simple justice, dans un pays gros producteur de pétrole et client de nos industries d’armement ? En visite à Ryad au mois de mars dernier, Barack Obama n’avait pas eu un mot pour les droits de l’homme. Bien sûr, ces remarques ne « relativisent » pas notre effroi devant les crimes de l’EI. Mais elles « relativisent » peut-être l’émotivité des grands de ce monde.

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