Serge Le Vaillant, conteur de sons

À l’heure où Radio France fête le renouveau de sa maison, retour sur l’un de ses piliers, écarté en 2013.

Jean-Claude Renard  • 27 novembre 2014 abonné·es
Serge Le Vaillant, conteur de sons
© Photo : Jean-Paul Corsini

Voilà ce qu’on appelle un défricheur. « Il invitait les artistes à jouer en live. Il se tenait informé de l’actualité des musiciens gagne-petit. Il n’y avait que lui pour parler de concerts dans les MJC, dans des départements reculés. Le seul aussi à transmettre son goût pour la bande dessinée à l’antenne. » Dixit l’un de ses anciens assistants. « C’est d’abord un excellent conteur, qui sait emmener son auditeur, et d’une fidélité exemplaire à des artistes parfois disparus du sérail », renchérit un autre. Au moment où tout le monde salue la nouvelle Maison de la radio, on en oublierait presque certains de ses piliers. Serge Le Vaillant a été l’un d’eux. De 1985 à 2013.

Ça a débuté comme ça : en 1983, à Radio Latina, arrosant le bassin francilien. Déjà, dans ces années de radios pirates, l’homme opère tardivement, entre 22 heures et minuit. En 1985, il tente l’aventure à Millau pour prendre la direction des programmes de Radio Beffroi. Après six mois, la station aveyronnaise entre dans le cercle des 100 radios les plus écoutées. Parallèlement, il fait ses premiers pas à France Inter avec « Les bleus de la nuit », concours réservé aux jeunes. Jean Garretto, alors directeur des programmes, l’intègre dans l’équipe de « L’oreille en coin ». Puis il multiplie les incursions dans différentes maisons, comme Notre-Dame, Radio 3, ou Bonheur FM. Serge Le Vaillant n’a pas encore 30 ans quand il bascule définitivement dans le service public, en 1987. C’est un choix. « Une sensation physique, dit-il. Quand on a une certaine idée de la radio, c’est Inter. » De fil en aiguille, il devient réalisateur et programmateur d’une émission musicale nocturne, « Du côté de chez swing ». Elle va durer sept ans. Et s’enorgueillir d’un concert hebdomadaire, avec une prise de son en direct. Tant qu’à embrasser les responsabilités, écrivant lui-même les textes de l’émission, Le Vaillant finit par saisir aussi le micro. Après quelques aménagements, l’émission se rebaptise « Sous les étoiles exactement ». Il y reçoit « beaucoup de gens que la télé ne veut pas, mais bourrés de talent ». Ainsi Bernard Joyet, Louis Arti ou Dikès. Certains se feront connaître plus tard. Camille, la Grande Sophie, Bénabar, Tryo, les Ogres de Barback, la Rue Ketanou ou Jeanne Cherhal. Bal de débutants aux côtés de Deep Purple ou de Led Zeppelin. Ça vaut médailles. À regarder aujourd’hui les plateaux des Victoires de la musique, beaucoup sont « nés » chez lui. Dans une émission qui fait la part belle aux arrangeurs, au chant amateur, au rock et au métal, à la musique traditionnelle, à la bande dessinée. Parce qu’il retient une formule de Jean Chouquet, producteur : « Une radio généraliste est une radio qui alterne les genres ! »

Tombe 2013. En mai, la direction décide de supprimer l’émission. Au passage, elle ne renouvelle pas à Serge Le Vaillant son CDD, reconduit chaque année depuis 1985… L’animateur-producteur se tourne alors vers les prud’hommes, qui requalifient les CDD en CDI et « ordonnent la poursuite de la relation de travail en CDI ». Le Vaillant est censé retrouver une place au sein de la radio, pas forcément son émission. Il le sait : « On n’est pas propriétaire d’une case, mais locataire. » Radio France fait appel, acceptant la requalification en CDI mais faisant fi de la poursuite du contrat. Le Vaillant reste sur le carreau. Le jugement en appel est prévu pour mars 2016. Rien que ça. Tandis qu’il n’a pas les pièces nécessaires pour s’inscrire à Pôle emploi, puisqu’il n’y a pas eu de licenciement. De l’absurde pur jus. En attendant, après deux romans et la publication de biographies de Bourvil, Brel et Salvador, Serge Le Vaillant s’est remis à l’écriture. En gardant la porte ouverte. Avec un CV aussi fourni, les antennes parisiennes et 43 stations sur le réseau France Bleu, il espère faire valoir ses compétences. Programmateur, animateur, directeur ? « Si on me propose un poste à Quimper, je le prends ! » Cela tomberait bien, il a des origines bretonnes.

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