Rodrigo Garcia, homme à flamme

Le bouillonnant Hispano-Argentin est présent sur deux scènes en région parisienne.

Gilles Costaz  • 5 février 2015 abonné·es

Trop peu ou trop plein de Rodrigo Garcia dans notre paysage théâtral ? On sait qu’il a pris la direction du Centre dramatique de Montpellier, qu’il a rebaptisé joliment HTH (Humains trop humains) et qu’il en a fait un objet différent des structures habituelles : convivialité rockeuse, laboratoire centré sur le numérique, créations ultracontemporaines avec un accueil réservé à des trublions comme Angélica Liddell, les Chiens de Navarre et Julien Gosselin.

Tempétueux, insolent, Garcia écrit même à l’intention de ses confrères directeurs que faire preuve de prudence dans sa programmation, c’est tendre la main au Front national ! Il proposera une nouvelle création en mars, Daisy, mais il est actuellement présent à Paris et dans la région parisienne. Dans la capitale, Christophe Perton met en scène au Rond-Point L’avantage avec les animaux, c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions. En même temps, Garcia vient lui-même à Aubervilliers présenter sa mise en scène d’ Et balancez mes cendres sur Mickey (en espagnol). Cela fait une dizaine d’années qu’on connaît cet Hispano-Argentin, qui a souvent été l’invité du Festival d’Avignon. Sa parole est monologuée, car il donne sans cesse des points de vue et se met toujours au centre du récit. C’est lui qui parle, c’est lui qui juge. C’est lui qui jette des pavés dans la mare du capitalisme et du bon goût. C’est lui qui prend à partie la société du profit mais également la bonne conscience des partis benoîtement ou mensongèrement altruistes. C’est d’ailleurs lui qui, quelquefois, joue ses propres textes (ce qui n’est pas le cas en ce moment). Cible des intégristes depuis Golgota Picnic, il choque au-delà du cercle de ses adversaires politiques. On suivra, au fil des mois, la capacité de cet artiste à faire entrer un projet provocateur et révolutionnaire dans le système subventionné français. Pour le moment, alors que son spectacle en espagnol n’était pas encore donné à Aubervilliers au moment où nous terminions cet article, il est possible de s’intéresser à l’écrivain Garcia quand il est monté par un autre artiste que lui-même. Christophe Perton présente donc L’avantage avec les animaux … Et l’on sent tout de suite que la tâche n’est pas facile ! Il n’y a pas de trame chez Garcia. Ce sont des gens qui discutent entre eux et expriment la pensée, la tchatche de l’auteur.

Perton n’a pas pris les meilleures options en choisissant un climat d’obscurité et en plaçant l’action dans une salle de basket (surtout en un moment où d’autres metteurs en scène ont eu la même idée : Répétition, de Pascal Rambert, se passe aussi sur un terrain de basket). Mais l’idée, ici, est d’évoquer un stade fermé, où les personnages et les propos se heurtent au grillage, à l’oppression. Cela tournoie sur place, de façon assez fastidieuse d’abord. S’en prendre sans cesse aux porteurs de polos Ralph Lauren et Lacoste n’est drôle qu’une minute. Heureusement, à mi-parcours, le texte est d’une percussion maximale. Garcia conte la balade (évidemment imaginaire) qu’il entreprend pour se débarrasser de sa mère et de son chien. Puisqu’on abandonne les chiens, pourquoi ne pas bazarder aussi les mères inutiles ! Là, l’humour est saisissant, glaçant. Les trois acteurs, Anne Tismer, Judith Henry et Vincent Dissez, jouent sur trois tons : exalté, innocent et douloureux. Garcia, ça flambe bien, mais pas à tout coup !

Théâtre
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