Petit guide de la vie privée numérique

Quelques techniques basiques pour maîtriser ses données personnelles sur Internet.

Lena Bjurström  et  Jérémie Sieffert  • 23 mars 2015
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Petit guide de la vie privée numérique
© Photo : Gabriel Sanchez / AltoPress / PhotoAlto

Comme un ours marchant dans la neige, l’internaute, en naviguant sur le web, laisse derrière lui quantité d’empreintes numériques. Des informations qui permettent, s’il n’y prend pas garde, de dresser le portrait de ses affinités et activités.

Sans sombrer dans la paranoïa ni devenir un expert en cryptographie, et surtout sans se rendre la vie en ligne infernale, il est possible de limiter la quantité de données personnelles qu’on laisse traîner en respectant une simple hygiène quotidienne dans son comportement sur Internet.

Explorer ses données

Vos flâneries en ligne ne sont pas privées. Vous en doutez ? Sachez que tous les sites qui contiennent de la pub ou des liens vers les réseaux sociaux (c’est-à-dire 90 % des sites web) pistent leurs visiteurs et leur comportement de navigation. Clic après clic, toujours plus de sites tiers détectent vos activités, à des fins d’amélioration de services ou de publicité ciblée.

Lire > Je me connecte, donc je suis

Une activité qu’il est possible de visualiser grâce à Lightbeam, un petit module de Firefox identifiant, au fur à mesure de votre navigation, les sites tiers qui ont accès à vos informations. La CNIL propose également de visualiser «la face cachée de votre navigation» , grâce à Cookieviz, un petit logiciel qui «analyse les interactions entre votre ordinateur, votre navigateur et des sites et serveurs distants» .

Assurer l’intimité et la neutralité de sa navigation

Quelques mesures simples permettent de limiter le suivi de vos activités en ligne.

  • Effacer régulièrement l’historique de navigation et les cookies (dans les paramètres du navigateur). Tant qu’on n’est pas en train de faire un achat en ligne ou qu’on n’est pas connecté à un service, les cookies ne servent pas à autre chose qu’à espionner nos comportements de navigation. On peut aussi paramétrer le navigateur pour qu’il supprime automatiquement les cookies au-delà d’une certaine durée.

  • Installer des modules complémentaires qui bloquent la pub et les sites tiers qui vous espionnent, comme Adblock Plus et Ghostery. Le premier permet de bloquer les visuels publicitaires qui gênent la navigation, le second de barrer la route à tous les traceurs de pub, y compris les réseaux sociaux.

  • Utiliser un navigateur respectueux de la vie privée : Firefox. C’est le seul navigateur du marché qui soit totalement libre et open source. Cela signifie qu’il ne contient aucune fonctionnalité malveillante ou indiscrète. Il est en plus réputé pour être à la pointe de la technologie pour les performances et le rendu des pages web.

  • Conserver des identités différentes selon les activités en ligne. Pour cela, disposer de différents comptes mail afin de s’inscrire sur des services en ligne qui n’ont a priori pas besoin de communiquer entre eux. Par exemple, conserver une adresse mail pour son courrier quotidien et éventuellement les grands réseaux sociaux (Facebook, Twitter…), une adresse gmail pour les services Google, et une adresse “poubelle” pour tous les services peu dignes de confiance ou d’une utilité ponctuelle (mais qui ne manqueront pas de vous garder dans leur base de données) qui demandent de s’enregistrer.

  • Ne pas naviguer en restant connecté à ses comptes sociaux, et notamment votre compte Google, qui adapte les résultats des recherches au profil des utilisateurs.

Lire > Votre curiosité limitée par vos données ?

  • Tester d’autres moteurs de recherche. DuckDuckGo, par exemple, utilise l’algorithme de Google, mais de manière anonyme. Faites l’expérience : tapez la même requête dans Google et dans DuckDuckGo, les résultats peuvent être sensiblement différents. Même sans être connecté, Google géolocalise l’adresse IP et en déduit certaines caractéristiques potentielles du client.

  • Sachez que, si vous souhaitez rester discret, vous pouvez toujours ouvrir une fenêtre de navigation privée. Une fois en mode navigation privée sur Firefox, aucune information n’est envoyée aux sites visités, aucun cookie n’est enregistré et aucun historique de navigation n’est conservé. C’est très pratique par exemple lorsqu’on surfe à partir d’un ordinateur partagé ou au travail. Attention tout de même, le fournisseur d’accès à Internet et l’administrateur d’un éventuel proxy ou routeur (très fréquent en entreprise) conserve des traces des sites visités…

Garder ses mails et contacts privés

  • Pour lire les emails, ne pas utiliser le webmail fourni par le service. Préférer un logiciel client libre et gratuit. La plupart des services mail proposent un webmail, c’est-à-dire un site sur lequel on se connecte pour lire ses mails. Au contraire, il existe quantité de logiciels qu’on installe directement sur son ordinateur qui se chargent de rapatrier les courriels sur la machine, de les conserver et de les archiver. En les utilisant, on est moins exposé aux risques de piratage ainsi qu’aux indiscrétions du service de mail. Un exemple libre de la fondation Mozilla (éditeur de Firefox) : Thunderbird. Il faut le télécharger, l’installer et le configurer pour votre compte mail à l’aide des informations fournies par votre fournisseur de service mail : une adresse de serveur, choix du protocole (POP3 ou IMAP), identifiant du compte et mot de passe.

  • Éviter si possible les grands services centralisés et préférer des solutions plus petites, voire payantes. Notamment pour les emails : les hébergeurs web proposent souvent des solutions email simples et peu chères. Pour l’utilisation des services de «cloud» (Dropbox, Google Drive…), il convient de bien lire les Conditions Générales d’Utilisation, ou à défaut, de les éviter. Les hébergeurs web (par exemple OVH ou Gandi) commencent également à proposer des services cloud payants, dont le financement ne repose donc pas essentiellement sur vos données.

Sur smartphone, limiter l’accès des applications à vos données

  • Le maillon le plus faible est le smartphone, qui par définition centralise toutes vos données et identités : comptes sociaux, emails, contacts téléphoniques, gestion de comptes bancaires… Il n’existe malheureusement que deux systèmes d’exploitation mobiles grand public : iOS de Apple et Android de Google. Dans les deux cas, garder à l’esprit que toute information stockée dans le téléphone mobile est potentiellement portée à la connaissance de ces deux entreprises. Et se méfier comme de la peste des applications qu’on installe sans réfléchir, notamment des jeux vidéo, qui sous couvert de vous faire passer le temps dans les transports récupèrent des quantités considérables de données personnelles. Sur iOS, pas de détails de ce que font les applis, mais les exigences d’Apple en termes de sécurité sont plutôt bonnes. Sur Android, chaque appli doit déclarer à quelles données elle demande l’accès. Encore faut-il y prêter attention et se demander pourquoi un jeu de casse-briques peut bien avoir besoin de votre géolocalisation, de vos contacts Facebook ou de vos données de caméra…

Maîtriser ses comptes en ligne

  • Les Conditions Générales d’Utilisation (CGU) des différents services en ligne sont souvent boudées par les internautes, qui cliquent sans mettre le nez dans les rouages de leur belle machine. Signeraient-ils de même un contrat papier sans l’avoir lu ? Certes, la plupart de ces CGU ne sont pas faites pour faciliter la compréhension des internautes. Mais elles permettent parfois de limiter la quantité de ses données sans pour autant quitter le service concerné. Sur le Dashboard de votre compte Google, par exemple, vous pouvez visualiser vos informations et en supprimer certaines, comme l’historique en ligne de vos recherches, soigneusement conservées si vous ne l’avez pas désactivé.

Selon l’adage, «quand c’est gratuit, c’est vous le produit» . Tout service a ses contreparties. Le tout est de les connaître et de choisir, consciemment, les données que nous sommes prêts à partager.

Société
Temps de lecture : 7 minutes
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