La réformite aigüe de Manuel Valls

Les nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre seront sous le feu des critiques des salariés du public et du privé lors de la grande manifestation du 9 avril.

Thierry Brun  • 9 avril 2015 abonné·es
La réformite aigüe de Manuel Valls
© Photo : AFP PHOTO / ERIC FEFERBERG

Quelques jours après la nouvelle et cinglante défaite électorale enregistrée par l’exécutif aux départementales, c’est au tour des syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires de mobiliser dans la rue, ce 9 avril, contre la politique d’austérité du gouvernement. La journée nationale interprofessionnelle de grève et de manifestation est aussi l’occasion de contester le maintien du « cap » des réformes. « Ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent. Quel que soit le résultat des élections, nous allons les poursuivre en ouvrant de nouveaux chantiers », a prévenu Manuel Valls. François Hollande et le Premier ministre parient sur la reprise économique, fragile, qui dope les profits des multinationales et les marchés boursiers. Ceux-ci volent de record en record avec la baisse de l’euro, des prix du pétrole et des taux d’intérêt. Mais la reprise est sans effet sur l’emploi. Le pacte de responsabilité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ont surtout provoqué un important transfert de charges sociales et fiscales en faveur des entreprises. Ajouter de nouvelles réformes dans ce sens ne fait qu’aggraver la situation sociale.

Marché du travail

Le bilan négatif des mesures prises en 2013 pour réformer le marché du travail ne devrait pas interrompre ce mouvement, prioritaire dans les recommandations de la Commission européenne et de l’OCDE. Les points les plus importants de la loi de sécurisation de l’emploi ont pourtant fait un flop, en particulier les accords dits de « maintien de l’emploi », un dispositif permettant d’aménager temporairement salaires et temps de travail pour éviter des licenciements. Manuel Valls a cependant annoncé que l’emploi dans les petites et moyennes entreprises ferait l’objet d’une conférence en juin en vue d’une réforme législative qui, selon le Premier ministre, pourrait porter sur les contrats de travail « pour permettre aux PME-PMI d’embaucher ». Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, veut, lui aussi, « lancer des réformes d’ici à l’été, qui permettent de continuer à la fois le déverrouillage de l’économie française et d’accélérer la reprise qui est en cours ». La future loi Macron II devrait apporter des « simplifications juridiques et réglementaires » pour les PME et les TPE, sans plus de précisions. Autre réforme annoncée, l’allégement du code du travail : « Je suis convaincu qu’il faut poursuivre ce chantier », a déclaré Manuel Valls, qui veut des négociations entre syndicats et patronat sur des pans entiers du droit (l’application des 35 heures, l’organisation du travail, etc.).

Santé

Les débats et polémiques suscités par les médecins sur la généralisation du tiers payant masquent l’orientation fondamentale du projet de loi sur la santé de la ministre Marisol Touraine. En discussion à l’Assemblée nationale, ce texte qui mobilise contre lui les principaux syndicats du secteur de la santé et de l’action sociale s’inscrit dans le plan présenté en avril pour dégager 10 milliards d’euros d’économies pour l’assurance maladie d’ici à 2017, dont 3 milliards pour l’hôpital grâce au développement des soins ambulatoires. Dans un communiqué commun, les syndicats CGT, FO et SUD estiment que « la mise en place des groupements hospitaliers de territoires (GHT) dans le sanitaire et le social accentue les fusions d’établissements, la mobilité forcée et la réduction massive de postes. Avec la réforme territoriale, c’est l’ensemble du secteur sanitaire, social et médico-social qui sera démantelé, au nom de la réduction des dépenses publiques et de la baisse du coût du travail ».

Dialogue social

Après l’échec de la négociation interprofessionnelle sur le dialogue social entre partenaires sociaux, le gouvernement présentera un projet de loi en Conseil des ministres le 15 ou le 22 avril. Le texte est critiqué notamment par la CGT et FO, qui reprochent au gouvernement de vouloir réduire les procédures de consultation et d’information des instances représentatives du personnel (comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, négociation annuelle obligatoire).

Retraites

Les organisations syndicales de retraités (CGT, FO, FSU et Solidaires) ont appelé les retraités à manifester le 9 avril pour dénoncer des mesures d’austérité qui aggravent leur situation. Les syndicats pointent des réformes qui ont augmenté la pression fiscale sur les retraites, provoqué le gel des pensions dans le public et dans le privé, entraîné des déremboursements de soins et renchéri les complémentaires santé. Surtout, la manifestation a lieu à la veille d’une troisième réunion de négociations entre partenaires sociaux autour d’une nouvelle réforme pour redresser les comptes des retraites complémentaires Arrco (salariés) et Agirc (cadres). Ces négociations sont surveillées de près par Manuel Valls, qui a saisi le Haut Conseil du financement de la protection sociale pour lui enjoindre d’élargir sa réflexion sur « l’évolution du financement de la protection sociale », en particulier des retraites complémentaires.

Réforme du collège

La contestation du projet de réforme du collège fait partie des mots d’ordre de la grève du 9 avril, lancée par des fédérations de fonctionnaires et relayée par des syndicats du secondaire. Le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, le Snalc (classé à droite), FO et la CGT ont claqué la porte, le 31 mars, lors de la dernière réunion de négociation avec le gouvernement. Selon le Snes-FSU, le projet annoncé par la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, « s’appuie sur l’augmentation dangereuse de l’autonomie des établissements, une conception problématique de l’interdisciplinarité et de l’accompagnement personnalisé, un sort calamiteux réservé aux langues vivantes, régionales et anciennes, la globalisation des horaires d’enseignements artistiques, ainsi que des enseignements technologiques et scientifiques ». La charge de travail des enseignants s’en trouverait accrue et leur liberté pédagogique attaquée.

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