« Mustang » : Têtes de Turques

Dans Mustang, cinq sœurs font face à l’oppression patriarcale.

Christophe Kantcheff  • 17 juin 2015 abonné·es

Au tout début du film, Lale, la plus petite, et ses quatre sœurs semblent vivent dans un vert paradis. Les aînées attendent les plus jeunes à la sortie de l’école pour faire un tour par la mer toute proche, et y jouer en compagnie de garçons. En réalité, c’est un enfer. Leur grand-mère, qui les a élevées, leur passe une dérouillée, mais ce sera pire encore avec leur oncle. L’action de Mustang, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, se déroule dans un village en Turquie, au cœur d’une province reculée où le poids des traditions persécute les filles. Deniz Gamze Ergüven, née à Ankara mais formée au cinéma à la Fémis, a construit son premier long métrage sur l’opposition sans merci entre la violence patriarcale et l’élan vital de cinq sœurs pleines de joie et de promesses.

Leur résistance, dans la première demi-heure du film, est impertinente et réjouissante. Elles se vengent contre les voisines délatrices ou fuguent pour assister à un match de foot comme on va se défouler dans une boîte de nuit. La réalisatrice a opté pour un titre aux consonances anglo-saxonnes, Mustang, peut-être pour résonner avec Virgin Suicides, auquel son film fait d’abord penser. Ensuite, l’étau se resserre, la maison familiale, dans la manière même dont elle est filmée, prend des allures de prison, aussi parce que l’oncle en obstrue toutes les sorties. Vient le temps des mariages arrangés. La solidarité des sœurs éclate avec leur séparation, les deux plus âgées (de 18 ou 19 ans) devant suivre leur époux. Mustang prend dès lors un tour dramatique, la force insolente des filles s’évanouissant pour laisser place à l’angoisse quand ce n’est pas l’effroi. Lale garde cependant suffisamment de lucidité pour savoir qu’Istanbul reste la voie de la liberté. Mustang montre que le seul salut possible pour des filles dans une Turquie ancestrale, c’est la grande ville.

Cinéma
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