Les députés français approuvent l’asservissement d’une nation

Retrouvez les moments clés du débat sur l’accord UE-Grèce à l’Assemblée nationale, ainsi que les déclarations des opposants à l’accord qui manifestaient aux abords du Palais Bourbon.

Michel Soudais  et  Erwan Manac'h  • 15 juillet 2015 abonné·es
Les députés français approuvent l’asservissement d’une nation
© Photo: CITIZENSIDE/AURÉLIEN MORISSARD / CITIZENSIDE.COM

L’Assemblée nationale et le Sénat votent cet après-midi pour donner leur aval à l’accord sur la Grèce. Ce texte, adopté lundi matin, après 17h de réunion des chefs d’Etat et de gouvernement évite certes à la Grèce de sortir de la zone euro, mais à quel prix ? Sous la pression d’un étranglement financier orchestré par la BCE depuis février, Alexis Tsipras a accepté de signer « pistolet sur la tempe » un accord auquel il « ne croit pas ».
Un plan qui reproduit en les aggravant les recettes des deux précédents plans qui n’ont qu’aggraver les conditions de vie des grecs sans améliorer la situation économique de leur pays.
Un accord qui va encore accroître la dette de la Grèce, jugée « totalement non viable » par le FMI.

Le texte issu de l’Euro sommet (à lire ici en intégralité) exige en revanche, entre autres dispositions :
que le gouvernement grec reviennent sur les lois adoptées depuis l’arrivée au pouvoir de Syriza, à l’exception de la loi humanitaire, ce qui revient à annuler le résultat des élections du 25 janvier ;
que le gouvernement consulte les institutions (euphémisme qui désigne la Troïka) et convienne avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés par l’accord (c’est-à-dire à peu près tout) avant de le soumettre à la consultation publique (référendum) ou au Parlement, ce qui constitue une inédite atteinte à la souveraineté d’un état membre.

Face à la violence de ce texte qui propose rien moins que l’asservissement d’une nation, la gauche européenne est face à ses responsabilités. Les parlementaires sont divisés dans tous les groupes; seuls les députés de gauche ont clairement annoncé qu’il voteront contre.

Les débats au Palais Bourbon et au Sénat auront lieu à partir de 16H15. Le Premier ministre, Manuel Valls, ouvrira la discussion devant les députés au nom du gouvernement, avant une intervention des présidents des différents groupes, puis un vote attendu aux alentours de 17H45. ****

16h00 Une trentaine d’opposants à l’accord ont commencé à se rassembler aux abords de l’Assemblée nationale.

Illustration - Les députés français approuvent l'asservissement d'une nation

16h10 Après l’arrivée d’une importante délégation du Parti de gauche, Syriza Paris dénonce «le chantage odieux d’une minorité infime de social-traitres» . «Le peuple grec qui a donné sa réponse retentissante en votant non, continuera de se battre. Cet accord est inacceptable. C’est le racket qui est instauré comme mode de relation international. L’oligarchie veut que l’état social soit démantelé avant la faillite. Contre ce projet de colonisation les peuples d’Europe doivent constituer un large front de résistance. Ensemble nous vaincrons. Pour protéger le droit des peuples d’être maitre en leur maison.
»

16H20 La députée Isabelle Attard (apparenté Ecolo) annonce aux manifestants que le député Sergio Coronado votera «non» également: «Nous ne sommes pas obligé de choisir entre la peste et le choléra, nous.»

16h30 A la tribune de l’Assemblée nationale, Manuel Valls a ouvert les débats. « L’humiliation aurait été, pour la Grèce, d’être chassée de la monnaie unique alors que l’immense majorité des Grecs souhaitent la conserver » , attaque le Premier ministre qui détaille toutes les sommes qui seront apportées à la Grèce. En contrepartie, « l’accord comporte des exigences et c’est normal » , justifie-t-il avant de s’en prendre aux opposants à l’accord. « Quand on veut soutenir la Grèce et Alexis Tsipras, on ne fait pas le jeu de ceux qui veulent sa sortie de la zone euro. »
Manuel Valls insiste à plusieurs reprises sur le coût qu’aurait représenté pour la France une sortie de la Grèce de l’euro : « L’absence d’accord aurait abouti à ce que les 40 milliards de prêt que les contribuables français ont faits aux Grecs disparaissent à jamais. Ce sont aussi les intérêts des contribuables français qui ont été protégés. »

16h45 Une centaine de personne sont réunis à côté de l’Assemblée. Jean-Luc Mélenchon a appellé à la «plus grande vigilance intellectuelle» contre une pensée unique qui tente de faire accepter «l’ordoliberalisme imposé par l’Allemagne».

«C’est justement parce que nous soutenons Alexis Tsipras que nous appelons à voter « non » à cet accord qui lui est imposé» , a ajouté le fondateur du PG, rappelant que le comité central de Syriza vient de se prononcer pour le rejet du plan de l’Eurogroupe. «Il n’est pas certain que ce texte passe la semaine» , fait-il aussi valoir.

16h50 Manuel Valls conclut: «Vous êtes les premiers à voter en Europe. Montrez le mouvement. Le dépit ne peut-être la solution. (…) Continuons à écrire l’histoire de l’Europe. Même si l’Europe avance avec des crises, même si la situation est difficile la France continue à exercer pleinement sa mission en Europe. Nous sommes un grand pays et nous en avons fait la démonstration parce que nous avons tenu les deux bouts: la Grèce dans l’Europe et le maintien du couple franco-allemand. C’est aussi l’occasion de saluer l’action du président de la République. »

16h55 Roger-Gérard Schwartzenberg reprend l’expression du Spiegel qui qualifie de « catalogue des horreurs » l’accord des Dix-neufs, mais dit-il « l’essentiel est préservé, la Grèce reste dans la zone euro » et c’est la raison pour laquelle le groupe des radicaux de gauche votera « oui ». Néanmoins constate-t-il, « la Grèce perd une partie de sa souveraineté, elle est presque transformé en vassale, un protectorat soumis à la volonté de ses créanciers » .

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17h03 André Chassaigne, président du groupe GDR, qui compte les dix députés du Front de gauche, se sert un verre d’eau et attaque en citant le prix Nobel d’économie, Paul Krugman: « Le projet européen vient de subir un coup terrible, voire fatal. »

«Cet accord , poursuit-il, se clôt sur un triptyque : soumission, humiliation, libéralisation.
Les efforts demandés à Athènes dépassent l’entendement, « ils recèlent », comme l’exprimait encore Paul Krugman, dans les colonnes du New York Times, « un esprit de vengeance, la destruction totale de la souveraineté nationale et effacent tout espoir de soulagement”.
Il s’agit de faire payer au peuple grec le fait d’avoir osé dire « Non » à l’Europe de l’orthodoxie financière, « non » à l’asphyxie de leur pays.
Cet accord n’a qu’un seul mérite : celui d’éviter à la Grèce l’exclusion de la zone euro, conformément au vœu d’une très large majorité de la population grecque.»

17h18 Bruno Le Roux, président du groupe socialiste tresse des louanges à la Chancelière: «Mme Merkel sait que l’Allemagne n’est jamais aussi grande que quand elle contient sa puissance.» Même en Allemagne, de nombreux responsables politiques et des médias reprochent à Angela Merkel de n’avoir pas eu ce comportement.
«Cet accord en appelle un deuxième qui permettra d’aller vers plus de convergence fiscale et sociale» , poursuit Bruno Le Roux qui nous apprend en conclusion qu’ «une opinion publique européenne est née le week-end dernier» .

17h33 Christian Jacob, le président du groupe Les Républicains s’en prend d’entrée à Alexis Tsipras, lui reprochant de n’avoir pas poursuivi la politique de ses prédécesseurs, et n’avoir pas travaillé durant cinq mois alors que les réformes ont été bloquées par l’Eurogroupe refusant toute action unilatérale avant un accord global.
«Nous saluons l’effort de l’Eurogroupe d’accompagner ce nouveau soutien d’exigences drastiques» , affirme Christian Jacob qui a expliqué qu’on a déjà trop payé pour la Grèce. Le président du groupe Les Républicains demande au Premier ministre de soumettre à la représentation nationale le plan définitif. Et réclame qu’à l’avenir le Président de la République ne négocie plus sans mandat. Le député de Seine-et-Marne doit se rêver en Wolfgang Schaüble.

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17h35 Au Sénat, où se tient en parallèle un débat identique Pierre Laurent annonce que le groupe communiste votera majoritairement contre l’accord. Il n’y a donc pas unanimité au sein des sénateurs communistes.

17h40. Philippe Vigier, président du groupe UDI, s’en prend lui aussi à «la démagogie d’Alexis Tsipras, dont les extrêmes de droite et de gauche se sont réclamés en France» qui est, à ses yeux, «la pire des menaces» .
«La déclaration du Sommet européen sauve l’Europe mais l’apporte aucune réponse à la crise grecque» , ose-t-il. Avant de plaider toutefois pour le doublement de la durée de remboursement de la dette grecque.

17h50 François de Rugy critique l’accord et annonce que les membres de son groupe auront des votes différenciés. Lui votera pour: «Si notre Parlement votait majoritairement non, ce serait vécu comme un refus de toute solidarité européenne», justifie-t-il.

18h00 Manuel Valls répond aux interpellations et fait quelques remarques sur les critiques adressées sur les bancs de la droite à Alexis Tsipras : « C’est le choix des Grecs » , rappelle-t-il. « C’est un menteur » , lance un député de l’opposition. « Le gouvernement associera, consultera à chaque étape nécessaire le parlement , promet le Premier ministre en réponse à Christian Jacob, mais il n’y a pas de mandat impératif. »

18h10 . Claude Bartolone annonce le résultat du vote: Sur 530 votants, il y a eu 481 votes exprimés (49 abstentions), dont 412 «pour» et 69 «contre».
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L’approbation est tout aussi massive au Sénat.

>>VOIR le détail de ce vote

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