Les deux options du plan B

La démocratie est la meilleure arme contre l’ordolibéralisme.

Liêm Hoang-Ngoc  • 2 septembre 2015 abonné·es

Des leaders politiques français ont appelé, avec Yanis Varoufakis, à la tenue d’un sommet internationaliste du plan B. Lequel devra comporter deux options inséparables. La première a été exposée par Varoufakis lors d’un interview télévisé le 24 août sur BFMTV et s’intitule : « la démocratie en Europe ». L’ex-ministre grec dénonce l’omnipotence de l’Eurogroupe, où prédomine la voix de l’Allemagne, que n’ose contredire la France, laquelle ne fait qu’ « émettre des bruits ». Au sein de la troïka, créature de l’Eurogroupe, ni la Commission ni le FMI – ce dernier prônant une restructuration de la dette – n’ont pu opposer le moindre argument à la thérapie du docteur Schäuble. Enfin, la BCE a été aux ordres pour asphyxier le système bancaire grec, la semaine précédant le référendum. L’Eurogroupe n’est pourtant qu’une instance informelle, réunissant les ministres des Finances de la zone euro avant les conseils Ecofin, mais elle a réalisé un véritable coup d’État en imposant aux États sous programme des mémorandums qui n’ont été discutés dans aucune instance démocratique. Une instance qui imposera demain à la France la même punition si celle-ci ose changer de politique. L’Eurogroupe est devenu le bras armé des tenants de l’ordolibéralisme, lesquels ne sauraient s’encombrer de la démocratie.

C’est pourquoi la démocratie est la meilleure arme pour désarmer l’ordolibéralisme. Dans une Europe intergouvernementale où tous les pays « s’écrasent » face à l’Allemagne, l’option Varoufakis suppose d’opposer à l’Eurogroupe un contre-pouvoir issu du suffrage universel. Cette hypothèse, également défendue en Allemagne par le sociologue Jürgen Habermas, supposerait d’accroître le poids du Parlement européen, voire de créer en son sein un Parlement de la zone euro, contrôlant chaque décision de l’Eurogroupe. Ce Parlement serait doté d’un pouvoir législatif sur les recettes et les dépenses d’un véritable budget, financé par l’impôt européen et l’emprunt. Ce budget prendrait le relais des mécanismes d’assistance intergouvernementaux, bricolés sous le contrôle des États les plus influents de l’Eurogroupe et dont l’usage est jusqu’à présent conditionné à la mise en place de politiques d’austérité.

On a pu entendre le chef de l’État français évoquer ces propositions. Il l’a fait cependant avec peu de conviction, tant il a lui-même vanté les mérites du traité de Lisbonne et du traité budgétaire, et tant son gouvernement fait la promotion du modèle allemand. Or, l’option Varoufakis-Habermas nécessite un changement de traité, celui de Lisbonne s’avérant incapable d’organiser le débat démocratique. Il vaudrait mieux, pour cela, que les peuples d’Europe s’en mêlent. Le sommet internationaliste du plan B peut contribuer à préparer cette mobilisation. La première option est évidemment souhaitable pour les travailleurs allemands, qui souffrent aussi de l’austérité et de la précarité. Mais, face à l’intransigeance des tenants de la doxa, le plan B devra nécessairement envisager une seconde option : la menace d’un divorce avec le nouvel impérialisme allemand. Le plan doit prévoir la possibilité d’une sortie des pays qui souhaitent mettre sur pied une monnaie commune, attribut des souverainetés populaires et non l’effigie de la doctrine de Berlin. Cette version moderne de la politique « de la chaise vide » permettrait d’inverser le rapport de force pour faire aboutir la démocratisation de l’euro et, en cas d’échec, ouvrirait la perspective d’une sortie ordonnée de l’euro.

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