Norbert Aboudarham, le catastrophysicien

Un bel essai sur le récit et le jeu burlesque par Norbert Aboudarham.

Gilles Costaz  • 2 septembre 2015 abonné·es
Norbert Aboudarham, le catastrophysicien
Le Burlesque au théâtre , de Norbert Aboudarham, éd. L’Entretemps, 144 p., 10,50 euros.
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Parler du comique, c’est aussi difficile que d’en faire. Que de sentencieux ont péroré fâcheusement sur la nature et la fonction de la comédie et des gags ! Même le Rire de Bergson enfonce solennellement beaucoup de portes ouvertes. Norbert Aboudarham, auteur, acteur et pédagogue, vient à son tour traiter des secrets du spectacle et des sketchs qui refusent la gravité dans le Burlesque au théâtre. Il le fait, lui, de façon modeste, avec une phrase joyeuse qui s’enchante du plaisir d’enseigner et de jouer avec les mots. Il n’en cherche pas moins à établir quelques théorèmes.

Dans son chapitre sur ** les fondamentaux, il défend une formule triangulaire qui contiendrait les trois notions de base pour le concepteur et l’interprète : NGS, c’est-à-dire la neutralité, la gravité et le silence. Il s’exprime en lecteur de Beckett. Il a cette belle définition : « L’acteur du burlesque échoue, mais ne renonce pas à échouer. » Aboudarham est aussi un scientifique. Sa pièce la plus connue, le Chat de Schrödinger, enrobe son humour dans la physique quantique. Cela lui permet d’inventer le mot « catastrophysicien », qui convient si bien à ses références : Charlie Chaplin, Laurel et Hardy. Il s’attache au seul artiste du burlesque mais reconnaît que la frontière est mince avec le mime et le clown. Tous ces gens-là sont pour lui de nécessaires « excentriques », le comédien burlesque étant plus particulièrement « un personnage au trait, en noir et blanc, une esquisse vivante dont le monde intérieur déborde ».

Aboudarham multiplie les exemples pratiques, les situations à exploiter, car il veut que son livre serve aux professionnels comme aux amateurs. Grâce à ce précieux traité, chacun pourra faire des soirées dépassant les tartes à la crème et qui peuvent ne pas être sans paroles. Surtout, il emploie et parfois crée des concepts qu’on n’a pas l’habitude d’entendre quand il s’agit de bouffonnerie (grave ou facile) : « neutralité », « ironie dramatique diffuse », « ironie dramatique lourde », « triple regard » (sur soi, le partenaire, le public)… On ne peut qu’être d’accord avec un pédagogue qui écrit d’entrée : «  Je remercie mes stagiaires et étudiants qui m’ont appris ce que je leur ai enseigné. »

Théâtre
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