Le retour du climato-fada

À quelques semaines de la COP 21, les négateurs du réchauffement climatique tentent de reprendre l’antenne en misant sur le goût du clash dans les médias.

Jean-Claude Renard  • 21 octobre 2015 abonné·es
Le retour du climato-fada
© Photo : Thayer/GETTY IMAGES/AFP

Ça commence à faire des remous dans les travées de France Télévisions. Philippe Verdier n’a pas présenté les bulletins météo du 13 heures et du 20 heures du 12 octobre. Ni les suivants. Le chef de service météo de France 2 a été mis en congé forcé. En cause, son livre Climat investigation. Qu’est-ce ? L’auteur le présente lui-même dans une vidéo promotionnelle sur le site de son éditeur, Ring (qui a aussi publié le sulfureux la France orange mécanique, de Laurent Obertone). Philippe Verdier entend dénoncer « une machine de guerre destinée à nous maintenir dans la peur ». Or, « il n’existe aucun lien entre le climat, ce qu’il est et ce que tout le monde raconte. […] On assiste à un mélange des genres inouï entre les scientifiques, les politiques, les lobbies économiques, les ONG environnementales et maintenant les religions ».

Un complot, une conspiration ? Diantre ! À quelques semaines de la COP 21, on découvre que la tête de pont de la météo à France Télé est un climato-sceptique ! S’il s’en défend (notamment sur RMC, aux « Grandes Gueules », ou sur RTL, chez Fogiel), le journaliste (puisque ç’en est un) y ressemble furieusement. Au mieux, c’est le Canada Dry du climato-scepticisme, voire un climato-fada. Les phénomènes extrêmes étant chaque année plus graves, et les recherches des scientifiques implacables, les climato-sceptiques ont, du moins sur les plateaux télé et radio, nettement reculé ces dernières années ; le retrait politique du plus médiatique d’entre eux, Claude Allègre, n’y est pas pour rien. Ils n’en restent pas moins en embuscade. On l’a vu récemment sur i-Télé, dans un débat du soir orchestré par Olivier Galzi, pompeusement appelé « Le Grand Décryptage », réunissant Yannick Jadot, eurodéputé écologiste, François Gemenne, spécialiste de l’impact de l’environnement sur la géopolitique mondiale, et Serge Galam, sociophysicien au CNRS, climato-sceptique assumé. Le débat a tourné court au bout de huit minutes.

C’est que Galam, avec son statut de chercheur au CNRS, légitimé par Olivier Galzi, remettant en cause le réchauffement et la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique, a très vite agacé François Gemenne. « C’est tout de même incroyable, en 2015, de sortir encore des propos comme ça ! », s’est-il emporté, avant de se tourner vers le journaliste : « Comment pouvez-vous encore inviter des climato-sceptiques sur votre antenne ? Sérieusement ! Qu’est-ce qui vous passe par la tête ? » Cette séquence a beaucoup fait rire Yann Barthez, au « Petit Journal », feignant de boire une tisane avant d’être brusquement réveillé par la colère de Gemenne. Il n’y avait pas de quoi. Pas de quoi en rire, mais de quoi s’étonner, en effet, de la présence encore d’un climato-sceptique à l’écran. « C’est une sorte de règle immuable, observe Stéphane Foucart, journaliste au Monde et auteur de l’Avenir du climat. Enquête sur les climato-sceptiques. Dès qu’il y a une échéance importante dans les négociations climatiques, ils réapparaissent dans les médias. On les avait vus dans l’émission “28 minutes”, en 2012, au moment de la Conférence de Doha, maintenant sur i-Télé et même sur France Culture dans “Les Nouveaux Chemins de la connaissance”. »

Doit-on s’y habituer ?   « Non, pas plus qu’il ne faut inviter les scientifiques – et il y en a – qui disent douter du lien entre l’infection par le VIH et le sida, estime Stéphane Foucart. Tous les arguments que ressassent les climato-sceptiques sur les plateaux de télévision ont été concoctés outre-Atlantique par des think tanks néoconservateurs ou libertariens, souvent financés par les industries fossiles, servilement repris par une galaxie d’intellectuels, de lobbyistes, de scientifiques complètement étrangers aux sciences du climat. » Mais Olivier Galzi n’en démord pas. Pour lui, « il est important que toutes les opinions s’expriment ». À cela près qu’on est là dans la désinformation ou la promotion de l’ignorance. Finalement, son véritable argument ne serait-il pas le goût du clash et du buzz ? On est prêt à recevoir des gens qui mentent pour répondre à la contrainte du débat. « Tant que vous y êtes, invitez un négationniste sur l’Holocauste », a lancé Gemenne à Galzi.

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