Halte aux PPP !

Les partenariats public-privé : un des rouages principaux des grands projets inutiles.

Dominique Plihon  • 25 novembre 2015 abonné·es

Le 5 novembre, François Hollande a inauguré les nouveaux locaux du ministère de la Défense. La construction et la maintenance de ce bunker ultramoderne, qualifié de « Pentagone à la française », ont été confiées à Opale, un consortium d’entreprises mené par Bouygues, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Le PPP est un contrat très particulier par lequel une administration publique confie le financement, la réalisation et la maintenance d’un équipement public à un groupe privé. La puissance publique se retrouve locataire de cet équipement sur plusieurs dizaines d’années : ainsi, le ministère de la Défense devra acquitter un loyer annuel de 150 millions d’euros pendant 27 ans au consortium Opale, soit une dépense supérieure à 4 milliards d’euros à la charge du contribuable.

Les PPP se sont multipliés ces dernières années dans toute l’Europe, à commencer par le Royaume-Uni. En France, 151 PPP ont été contractés par des collectivités locales, et 56 par l’État. Les cas les plus emblématiques sont l’université Paris-Diderot, le palais de justice de Paris ou la ligne ferroviaire à grande vitesse Tours-Bordeaux, dont l’opérateur principal est Vinci, qui est également au cœur de l’opération de Notre-Dame-des-Landes… Les PPP sont l’un des rouages principaux des grands projets inutiles et imposés. La fonction des PPP est claire : privatiser les équipements collectifs dans tous les domaines – santé, transports, universités, justice, prisons, etc. Les PPP s’inscrivent dans la logique néolibérale selon laquelle les opérateurs privés seraient plus efficaces pour financer, construire et gérer les équipements collectifs. Leur succès auprès des élus est lié à la crise des finances publiques. Les PPP permettent aux administrations de mettre en place des équipements publics sans recourir à l’endettement.

L’aveuglement des décideurs publics à propos des PPP rappelle le scandale des prêts toxiques, tout aussi inexcusable. En effet, des rapports récents de l’Inspection générale des finances, de la Cour des comptes et du Sénat concluent que les PPP mettent en danger les finances publiques et se traduisent par un surcoût pouvant aller jusqu’au doublement des charges des administrations. Le rapport du Sénat affirme que les générations futures seront les grands perdants des PPP, qualifiés de « bombes à retardement [^2] ». Clairement, les principaux bénéficiaires sont les grandes entreprises privées, tels Bouygues et Vinci, qui réalisent là des opérations extrêmement rentables sur le dos des contribuables. La position du gouvernement est plus qu’ambiguë. En juillet, il édicte une ordonnance sur les marchés publics, sans débat public, dont les dispositions sont en retrait par rapport aux propositions des sénateurs de limiter le recours aux PPP. Emmanuel Macron avait annoncé la couleur en déclarant en avril que les PPP « ne sont pas un tabou ». Il est urgent de nous mobiliser pour dénoncer ces PPP et exiger la transparence sur ces contrats qui sont aujourd’hui couverts par le « secret industriel ». Ce qui empêche tout contrôle par les élus et les citoyens. Il y a là un déni de démocratie.

[^2]: Rapport d’information sur les PPP, 16 juillet 2014.

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