Le gang des mécréants (« À flux détendu »)

On retrouve chez Daech l’esprit tyrannique d’un ordre moral poussé jusqu’à l’absurde, qui perce dans tous les discours intégristes qui s’en prennent à des formes artistiques jugées dévoyées.

Christophe Kantcheff  • 18 novembre 2015
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Le gang des mécréants (« À flux détendu »)

« Le Bataclan, où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité. » Ces mots sont extraits du communiqué de victoire publié par Daech au lendemain des attentats. Il faut les lire pour prendre la mesure des représentations que développe cette propagande à propos d’un concert de rock et de son public. On retrouve dans ces termes l’esprit tyrannique d’un ordre moral poussé jusqu’à l’absurde, qui perce dans tous les discours intégristes qui s’en prennent à des formes artistiques jugées dévoyées. Cette propagande est non seulement inhumaine (elle tue) mais a-humaine, en dehors de l’humain, tant elle éradique le corps, les émotions, les plaisirs… C’est pourquoi on peut se demander comment ceux que le dit communiqué désigne comme « huit frères », les huit tueurs de ce 13 novembre, y adhéraient. La Désintégration, film réalisé par Philippe Faucon avant le merveilleux Fatima, montre comment un garçon, vivant dans une cité et d’origine maghrébine, peut y succomber par rancœur et illusion. Par rancœur, parce que toutes les portes lui sont fermées, en particulier celles menant vers un stage. Par illusion, son perfide mentor en islamisme mêlant préceptes intégristes et justes constats sur la fermeture de la société française. Il y a comme un malentendu. Ces jeunes ne sont pas fanatisés sur la base d’une révélation mais avant tout en raison de leur échec individuel, transformé en nihilisme. Plus encore : dans Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, on voit de jeunes jihadistes, qui interdisent la pratique du foot car jouer au ballon est péché, discuter entre eux des mérites de Zidane. Or, on apprend que Bilal Hadfi, un de ceux qui se sont fait exploser aux abords du Stade de France, était un fan, pardon un « idolâtre », de foot. C’est ainsi que ce garçon de 20 ans a peut-être songé au dernier exploit de Messi en actionnant sa ceinture explosive. « Huit frères »  ? Non, huit mécréants.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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