Cherchez la femme (à la télé)

La dernière étude publiée par le CSA sur la parité femme/homme dans les programmes fait état d’une nette sous-représentation féminine.

Jean-Claude Renard  • 16 décembre 2015 abonné·es
Cherchez la femme (à la télé)
© Photo : LEOTY/AFP

Pas bezef. D’un côté, ce sont 63 % d’hommes, de l’autre, seulement 37 % de femmes. Les années passent et se ressemblent : les femmes sont toujours aussi peu présentes sur le petit écran. Tel est le bilan d’une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur la parité homme/femme dans les médias, dirigée par Sylvie Pierre-Brossolette. 37 %, c’est tout juste un point de mieux par rapport à l’année précédente.

Cette étude a été réalisée en avril et mai dernier sur dix-sept chaînes (les principales, mais encore les antennes d’info en continu, des chaînes comme France Ô, Gulli ou encore D8). À l’épluche, ce sont 1 100 heures indexées (soit 1 600 programmes) dans l’information, les fictions, les magazines (talk-shows compris) et les documentaires (les publicités, les bandes-annonces et le divertissement ont été écartés). Ce qui mène à 43 000 personnes recensées, « locuteurs », c’est-à-dire prenant la parole à l’écran (26 000), et figurants (17 000). S’agissant de la représentation des femmes dans les programmes, c’est d’abord sur la fiction qu’on est tenté de s’interroger. La présence des femmes est là de 39 %, contre 37 % en 2014. Légère amélioration. À y regarder de près, on observe que les femmes ne tiennent le rôle d’héroïnes qu’à hauteur de 31 %, et demeurent au rang de personnages secondaires à 35 %. Pas de quoi s’étonner quand on regarde les programmes télé, où la figure masculine, notamment dans les séries américaines, l’emporte largement. Dans l’information, c’est pire, puisque l’on enregistre 25 % de femmes dites « principales » (contre 31 % en 2014).

Quid des suites de cette étude ? « Elle est très utile pour rappeler un état des lieux, précise Sylvie Pierre-Brossolette, et elle justifie les mesures imposées par la loi. » Une loi sur la parité homme/femme, promulguée en août 2014, chargeant le CSA de veiller à la juste représentation des femmes dans les médias et à la lutte contre les stéréotypes. « Cette loi dispose que les chaînes de télé et de radio comptent quantitativement et qualitativement ce qu’elles mettent sur leurs antennes. C’est-à-dire le nombre de femmes, qu’elles soient journalistes, chroniqueuses, expertes ou invitées, tout en examinant la nature de leurs programmes. » Un ensemble mis au point avec les chaînes, suivant un questionnaire. Chaque année, et ce sera la première fois en janvier, les chaînes devront remettre au CSA un rapport qui sera rendu public sur leur bilan en matière d’exposition des femmes à l’antenne. « Un baromètre comme celui-ci, poursuit Sylvie Pierre-Brossolette, démontre que cette question ne relève pas d’un fantasme du gouvernement, du Parlement ou du CSA, et qu’il convient de faire quelque chose. Les chiffres étant établis par les chaînes elles-mêmes, ils ne pourront pas être contestés. Comme la loi nous confie le soin de mettre en musique l’application des textes, en concertation avec les chaînes, nous sommes convenus que 2015 serait une année de rodage, de sorte que les comptes soient justes en 2016. » Il ne s’agit donc pas que les comptes soient au carré illico, mais d’avancer. En attendant, rappelle la sage du CSA, « tout propos sexiste, toute image dégradante pour les femmes peuvent être sanctionnés ». Et c’est aussi la loi qui le permet.

Si l’on reste loin de la parité, cette réalité de l’écran est au diapason de ce qu’il y a derrière l’écran. Certes, Delphine Ernotte est à la tête de France Télé, Véronique Cayla dirige Arte, et Marie-Christine Saragosse France Médias Monde (France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya), mais c’est un trompe-l’œil. Dans chaque direction, tout en haut de l’organigramme, c’est la présence masculine qui domine largement. À vrai dire, cette étude du CSA corrobore une enquête publiée dans le Monde en mars dernier, consacrée pour sa part à la place des femmes dans la presse écrite. Enquête pour le moins éclairante, passant au gril quatre quotidiens, le Parisien, le Figaro, Libération et le Monde, donc. Sur vingt numéros, on relevait 14,2 % de femmes en une. Constat quasi identique pour les pages intérieures, les titres, les sous-titres et les photographies illustrant les articles, avec une sur-représentation masculine créditée de 78,4 % des cas. Le cas de l’illustration est intéressant : il s’agit d’ouvrir n’importe quel journal, au-delà des quatre titres étudiés. Combien de femmes ont la part belle à l’image ? Très peu. L’étude poussait jusqu’à fouiller le contenu des articles. Dans l’ensemble, sur plus de 1 800 interlocuteurs cités, la part des hommes oscillait entre 73 et 82 % selon les titres. Toujours dans les pages intérieures, on pouvait observer que les femmes ne signent que 12,5 % des chroniques et des éditos, 17 % des tribunes, tandis que 15,5 % des interviews leur sont consacrées. Édifiant ! Ces chiffres reflètent finalement les inégalités affectant tous les niveaux de la société, rappelant la persistance du fameux « plafond de verre ». En regard, doit-on rappeler que la proportion de femmes dans la population française (sources Insee), s’élève à 52 % ?

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