Syrie : La quadrature du cercle

Malgré l’intensification des efforts diplomatiques, une solution politique semble toujours aussi éloignée.

Denis Sieffert  • 16 décembre 2015 abonné·es
Syrie : La quadrature du cercle
© Photo : Le 12 décembre, les avions d’Assad ont bombardé des fiefs rebelles à Douma. khiar/Anadolu Agency/AFP

Le processus diplomatique avait commencé en octobre à Vienne. Il s’est poursuivi mi-décembre à Riyad et à Genève. Mais la solution politique à la crise syrienne semble toujours aussi éloignée. À Vienne, le 30 octobre puis le 14 novembre, dix-sept pays ainsi que l’Union européenne et les Nations unies avaient affirmé «  leur soutien à un cessez-le-feu et à un processus mené par les Syriens pour établir d’ici à six mois  […] un calendrier pour rédiger une nouvelle Constitution ». « Des élections libres et équitables » avaient été programmées d’ici à dix-huit mois.

Pour cela, ils avaient admis « la nécessité de réunir le gouvernement syrien et des représentants de l’opposition pour des négociations formelles, sous les auspices de l’ONU, dès que possible, avec l’objectif du 1er janvier ». La formule « le gouvernement » laissant évidemment place à ce que les diplomates appellent une « ambiguïté constructive », en l’occurrence sur la présence ou non de Bachar Al-Assad. Mais il fallait aussi déterminer la représentation des groupes d’opposition, y compris celle des groupes armés, ceux que l’on désigne sous le nom de « rebelles ». Ce sont ces groupes qui se sont réunis mi-décembre à Riyad. Ils ont accepté le principe de négociations avec le régime, exigeant toutefois le départ de Bachar Al-Assad. C’était trop pour l’un des groupes les plus influents sur le terrain, le front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda et militairement très puissant dans l’ouest du pays. Son chef, Abou Mohammed Al-Joulani, qui n’était pas invité à Riyad, a qualifié cette réunion de « trahison ». Selon lui, « la plupart des rebelles invités à Riyad n’ont pas de contrôle sur leurs combattants » et ils ne pourront pas faire appliquer leur accord sur le terrain. Tragique ironie de l’histoire, la Russie, alliée à Assad, a elle aussi fustigé la réunion de l’opposition syrienne avec les mêmes arguments que le leader d’Al-Nosra. « Nous ne pouvons pas accepter la tentative de ce groupe réuni à Riyad de s’approprier le droit de parler au nom de toute l’opposition syrienne », a affirmé le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. Cependant, à l’issue d’une rencontre, le 10 décembre à Genève, avec des représentants des États-Unis et de l’ONU, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, avait toutefois évoqué une « perspective » de progrès dans l’élaboration d’un processus de transition politique. Mais le diplomate russe avait renvoyé à la sélection de représentants de l’opposition qui seraient légitimes, selon Moscou, à l’exclusion de ce que MM. Poutine et Assad appellent les « terroristes ». Autrement dit, tous ceux qui veulent le départ du président syrien. Ce qui ressemble à une quadrature du cercle.

Pendant que s’ébauche cette laborieuse tentative de solution politique, les bombardements continuent. Le 12 décembre, les avions de Bachar Al-Assad ont bombardé des fiefs rebelles proches de Damas, à Douma, dans la Ghouta orientale, où 28 personnes ont été tuées, dont plusieurs enfants et une directrice d’école, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Une zone régulièrement frappée par les aviations syrienne et russe, bien que ce ne soit pas une position de Daech. À Homs, c’est un attentat à la voiture piégée revendiqué par Daech qui a tué 16 personnes dans un quartier favorable au régime. On estime à 250 000 le nombre de victimes de la guerre civile depuis mars 2011.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Aux États-Unis, « une esthétique de la peur au cœur de la médiatisation des expulsions »
Donald Trump 20 octobre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, « une esthétique de la peur au cœur de la médiatisation des expulsions »

Chercheur spécialiste des expulsions forcées, WIlliam Walters décrypte la façon dont l’administration Trump organise sa politique migratoire. Il explique également comment la communication autour de ces pratiques violentes est présentée comme un « spectacle » pour le public américain.
Par Pauline Migevant
Comment Trump et les Gafam empêchent la résistance contre les expulsions forcées
Expulsion 20 octobre 2025 abonné·es

Comment Trump et les Gafam empêchent la résistance contre les expulsions forcées

L’application ICEBlock, qui permettait d’anticiper les raids des forces spéciales anti-immigration, a été fermée par Apple, en accord avec Donald Trump. Politis donne la parole à son développeur, en colère contre la trahison du géant américain.
Par Sarah Laurent
Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration
Décryptage 20 octobre 2025

Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration

Avec plus de 120 milliards de dollars prévus d’ici à 2029, l’agence de l’immigration américaine connaît une expansion sans précédent. Centres de détention, recrutements massifs et expulsions à la chaîne deviennent les piliers du programme Trump.
Par Maxime Sirvins
Gen Z : l’internationale contestataire
Monde 17 octobre 2025 abonné·es

Gen Z : l’internationale contestataire

Comme en 1968, une jeunesse mondiale se lève à nouveau, connectée, inventive et révoltée. De Rabat à Katmandou, de Lima à Manille, la « Gen Z » exprime sa colère contre la corruption, les inégalités et la destruction de l’environnement.
Par Olivier Doubre