Les députés votent la prolongation de l’état d’urgence
C’est reparti pour trois mois. Après le Sénat, l’Assemblée nationale a voté, ce mardi, la prolongation de l’état d’urgence, pour la plus grande satisfaction du gouvernement. Et juste à temps pour permettre aux députés de ne pas manquer le match PSG-Chelsea. Au moment du scrutin, peu avant 20h30, il n’y avait déjà plus que 246 députés pour voter, 212 d’entre eux se sont prononcés pour, 31 contre (dont 11 socialistes, 8 députés du groupe écologiste et 9 des 10 députés Front de gauche), 3 se sont abstenus.
Présentant le projet de prorogation aux députés, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a lourdement insisté sur la « nécessité » de cette prolongation, « en raison de la persistance de menaces susceptibles de nous frapper à tout moment ». « La dimension imminente du péril demeure », a-t-il déclaré.
Un discours dont le député écologiste Noël Mamère, qui avait déposé une motion de rejet préalable, n’a pas manqué de noter l’oxymore, s’inquiétant de la mise en place d’un état d’urgence « permanent ».
Pour le député de Gironde, comme pour Sergio Coronado, dont la motion de renvoi en commission a également été rejetée, l’efficacité d’une prolongation de l’état d’urgence dans la lutte contre le terrorisme est hautement contestable. Un argument basé non seulement sur les chiffres présentés par le gouvernement – sur les 3379 perquisitions administratives effectuées depuis novembre, seules 29 procédures judiciaires pour terrorisme ont été engagées, dont 23 pour « apologie du terrorisme » – mais également sur un rapport de Jean-Jacques Urvoas, alors à la tête de la commission parlementaire de contrôle de l’état d’urgence, daté de janvier. Celui-ci y déclarait ainsi :
« Arrêter l’état d’urgence ne sera pas synonyme de moindre protection car en réalité l’essentiel de l’intérêt de ce que l’on pouvait attendre de ces mesures semble, à présent, derrière nous. […] Ces phénomènes d’extinction progressive de l’intérêt des mesures de police administrative se lisent d’ailleurs dans les chiffres, qui montrent bien plus qu’un essoufflement. Réagir efficacement à un attentat terroriste en donnant à l’État les moyens proportionnés à l’ampleur de la menace imminente était une chose, combattre sur la profondeur le terrorisme en est une autre. »
«Le prolongement de l’état d’urgence ne se justifie que par la crainte d’en sortir», a argumenté le président du groupe GDR André Chassaigne. Pour le député communiste, l’État dispose, dans le droit commun, de suffisamment de moyens pour lutter efficacement contre le terrorisme. Prolonger un état d’exception «par essence attentatoire aux libertés» n’était donc pas justifié selon lui.
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Car pour les quelques députés opposés à la nouvelle prolongation, l’état d’urgence menace les libertés publiques. Citant le rapport d’Amnesty International, les mises en gardes de l’Europe et de l’ONU, ces parlementaires se sont inquiétés d’un glissement vers un «État sécuritaire».
Une crainte partagée par plusieurs collectifs de la société civile.
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Mais ils étaient bien seuls, dans l’hémicycle, à tenir ce discours (voir le détail du scrutin).
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