Éducation : La Seine-Saint-Denis se rebiffe

Face aux absences non remplacées, à des créations de postes insuffisantes ou même à l’inexpérience de ceux qui se présentent devant les élèves, parents et enseignants répliquent et bloquent les écoles.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 13 avril 2016
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Éducation : La Seine-Saint-Denis se rebiffe
© Photo : MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Éreintés par le pourrissement de la situation, parents et enseignants de Seine-Saint-Denis ne décolèrent pas. Mercredi 13 avril, ils ont décidé de passer à l’action en occupant près de deux cent écoles dans le département.

Initié par les Bonnets d’ânes, le Collectif des parents citoyens du 93 et de la FCPE 93, cet appel témoigne avant tout des difficultés chroniques, longtemps supportées par les établissements scolaires de ce département populaire. Dans les vingt et une villes mobilisées, les contestataires ont occupé les bureaux des directions des écoles, mais ont aussi organisé des pique-niques devant les mairies d’Aubervilliers, de Montreuil, de Saint-Ouen et de Saint-Denis. Un déjeuner auquel les étudiants de l’Université Paris 8 (Saint-Denis) se sont d’ailleurs mêlés, devant la mairie de cette dernière commune, manifestant ainsi leur solidarité.

En début d’après-midi, une délégation, comprenant certains membres des collectifs et associations à l’origine de la mobilisation, a également été reçue au ministère de l’Éducation nationale. Mère de deux enfants dans le département, et présente lors de cette rencontre, Sibylle raconte :

Ils nous ont laissé exposer la situation durant deux heures. Ils nous ont même écouté lorsque nous parlions des cas particuliers et des situations dramatiques vécues dans les classes des différentes villes.

Malgré cette attention, «ils n’ont accordé aucunes revendications», préférant convier parents et enseignants à des réunions avec le rectorat.

Si la jeune femme, au côté de la délégation, «va attendre de voir ce que ça donne», une autre mobilisation est d’ores-et-déjà prévue le 18 mai.

Des revendications non satisfaites

Parmi les principales demandes adressées au ministère de Najat Vallaud-Belkacem, l’embauche et le remplacement systématique des enseignants absents figurent en haut de la liste des mesures réclamées par la délégation, qui insiste sur le caractère urgent de leur mise en place.

Dans leur communiqué, les Bonnets d’ânes réclament «dès aujourd’hui, que les absences soient systématiquement remplacées dans toutes les écoles, collèges et lycées», ainsi qu’un «véritable plan d’urgence, qui commence par le recrutement des candidat-e-s sur liste complémentaire du concours supplémentaire de l’académie de Créteil de 2015».

Afin d’enrayer ces problèmes de remplacements, les Bonnets d’ânes proposent «au minimum de doubler le nombre de places au concours supplémentaire», dénonçant également le caractère inégalitaire de ces problématiques endémiques :

Le gouvernement annonce « 9 mesures pour les écoles du 93 », une « nouvelle éducation prioritaire », la « priorité jeunesse », et affiche son souci d’en finir avec les inégalités territoriales. Pourtant nos écoles manquent de tous les personnels nécessaires à la prise en charge des enfants en difficulté (RASED, AVS, médecins et psychologues scolaires, assistantes sociales).

«On nous explique que c’est compliqué, ou bien impossible administrativement, s’agace Sibylle. Mais en attendant ces créations de postes, nos enfants font face à des contractuels qui ne sont pas formés au métier. Certains ne se destinent même pas à l’enseignement.»

Des absences qui n’existent pas pour le ministère

Si le ministère de l’Éducation nationale «refuse de fournir des chiffres précis» afin d’évaluer les absences non remplacées en Seine-Saint-Denis, les Bonnets d’ânes parlent en revanche de quatre cent classes sans enseignants chaque jour dans le département. Ces chiffres aberrants, recueillis, d’après le collectif, par des parents d’élèves, n’ont cela dit rien d’officiel. «Le ministère nous a expliqué qu’ils n’avaient pas de données, et qu’il était difficile de les faire, assure Sibylle. Nous leur avons donc demandé de les produire, puis de les rendre publics. Nous verrons bien… »

À lire >> Dossier : Mon prof, ce héros

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