Hôpital : silence, on vandalise

De l’activisme mortifère des véritables casseurs de l’hôpital public, nous ne savons rien, ou presque.

Sébastien Fontenelle  • 22 juin 2016 abonné·es
Hôpital : silence, on vandalise
© Photo : Michael Bunel / NurPhoto.

L’autre jour, donc, pendant la grande manif contre la loi El Khomri, un mec a donné des coups de marteau dans quelques vitres de l’hôpital Necker-Enfants malades, 75015 Paris [^1]. Dans l’instant, le « socialisme » régimaire et ses journalistes d’accompagnement – et l’autre droite aussi, il va de soi – se sont déchaînés contre les « casseurs », les syndicats, etc.

Manuel Valls, Premier ministre – qui devrait maintenant se décider à faire coudre sur ses (tristes) costumes des galons de caporal-chef –, a déclaré, comme pour mieux confirmer qu’il entretient avec la vérité (aussi) une relation houleuse, que l’établissement avait été « dévasté [^2] ». La presse et les médias, rivalisant de servilité, ont poussé des cris d’orfraie : Le Figaro, dont le propriétaire – le Groupe Dassault – bouffe des aides publiques comme si c’étaient des M&M’s, a hurlé qu’il convenait que la CGT « paie les réparations de l’hôpital Necker ». Et tout ce petit monde, soudainement oublieux des époques point si anciennes où il se posait en dernier rempart de nos libertés attacked by les jihadistes, a finalement décrété qu’il était temps d’envisager l’interdiction pure et simple des manifestations.

Pendant ce temps, le personnel de l’hôpital de Gap (Hautes-Alpes) est en grève pour protester contre « la suppression de soixante-quatorze postes ». Pendant ce temps, le personnel de l’hôpital de Cancale (Ille-et-Vilaine) est en grève pour protester contre « les suppressions de postes annoncées ». Pendant ce temps, le personnel de l’hôpital du Chesnay (Yvelines) est en grève pour protester contre la suppression de 161 temps pleins (sur 2 300), qui va entraîner « des fermetures de lits et une baisse de la qualité des soins [^3] ». Liste non exhaustive – hélas.

Mais de tout cela, qui témoigne de l’activisme mortifère des véritables casseurs du service public hospitalier, nous ne savons rien, ou presque. Pour la simple et « bonne » raison que les mêmes journaleux qui se montrent si empressés quand il s’agit de présenter quelques vitres brisées comme un saccage en règle n’en parlent absolument jamais – sauf, bien sûr, en creux, lorsqu’ils applaudissent de fait à ce vandalisme gouvernemental par leurs exhortations hallucinées à « réformer » encore et encore (et encore) « l’hôpital ».

Et ce sont les mêmes, t’auras noté, qui hurlent à la censure si la CGT bloque la parution de leurs journaux – parce que bon, les interdictions de manifester, c’est comme tout : ça va pour les gueux, mais il ne faudrait tout de même pas que ça s’applique aussi à leurs maîtres de l’heure.

[^1] Je profite de l’occasion pour te dire : n’attends surtout pas de moi que je condamne les « casseurs ». Comme dit le vieux dicton berrichon : qui sème la misère récolte la colère – et ne doit surtout pas essayer, ensuite, d’inverser l’ordre des responsabilités.

[^2] Necker a lancé, pour financer les réparations, un appel aux dons des particuliers : l’État « socialiste », si prompt, depuis quatre ans, à distribuer des milliards d’euros au patronat, et par exemple aux fabricants d’armes, semble éprouver plus de difficultés à financer l’entretien de ses hôpitaux…

[^3] Le Parisien, 10 juin.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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