La finance plus instable que jamais

Les taux d’intérêt bas ou négatifs ne peuvent pas durer.

Thomas Coutrot  • 20 juillet 2016 abonné·es
La finance plus instable que jamais
© Photo : Hitoshi Yamada / NurPhoto

En cet été 2016, le monde de la finance retient son souffle. Le capitalisme mondial va mal mais les bourses des pays centraux flambent. Un mois après le Brexit et malgré un trou d’air passager, la Bourse de Londres flirte avec ses records historiques, alors que Wall Street les dépasse largement. Même les bourses de la zone euro, moins flamboyantes, se portent plutôt bien.

Pourtant, l’instabilité grandit et le risque d’un nouveau krach financier majeur est dans toutes les têtes. Les foyers d’instabilité sont innombrables. Outre les conséquences du Brexit difficiles à anticiper, en particulier la forte probabilité d’un éclatement de la bulle immobilière et donc, dans la foulée, d’une crise bancaire, on peut citer : la situation critique des banques italiennes (plombées par des créances irrécouvrables auprès de PME) et de la Deutsche Bank (la première banque allemande, gérée de façon aventureuse, voire mafieuse, depuis bien des années, est en situation alarmante) ; le ralentissement brutal des pays émergents (et tout particulièrement de la Chine), encore sous-estimé par les marchés ; les faillites en série dans l’industrie pétrolière et gazière aux États-Unis du fait de la chute des prix du pétrole ; les énormes difficultés des fonds de pension et des compagnies d’assurances, qui doivent verser des retraites et rémunérer les épargnants alors que les taux d’intérêt sur les dettes publiques (intérêts qui constituent une part importante de leurs revenus) sont devenus négatifs ; l’instabilité politique européenne et mondiale, etc.

L’absurdité de la situation est bien illustrée par le fait que les détenteurs de capitaux achètent des obligations d’État à des taux négatifs, même pour des emprunts à 10 ans dans le cas allemand (5 ans pour les emprunts de l’État français) ! Car les financiers regorgent de liquidités dont ils ne savent pas quoi faire : avec des salaires en baisse et une demande finale atone, les flots de liquidités déversés par les banques centrales ne trouvent pas de projets d’investissements productifs à financer et vont donc nourrir, pour une part, les bulles des marchés d’actions et, pour une autre part, la bulle obligataire.

Car cette monumentale suraccumulation de capital financier transforme les obligations d’État en valeurs refuges et tire les taux d’intérêt vers le bas… pour le moment. Pourtant, absolument tout le monde sait que cette situation ne peut durer : un jour ou l’autre, l’un des détonateurs évoqués ci-dessus (ou un autre…) mettra le feu aux poudres, et l’inquiétude (par exemple sur le coût pour les budgets publics du renflouement des banques par l’Italie, l’Allemagne ou la Chine) fera grimper les taux d’intérêt. Ce sera alors le krach obligataire : les investisseurs essaieront de se débarrasser des obligations à taux d’intérêt négatif (qu’ils ont acquises massivement ces dernières années) pour profiter des nouveaux taux d’intérêt positifs. Catastrophe pour les banques, compagnies d’assurances et fonds de pension, qui verront leurs actifs fondre comme neige au soleil…

L’interrogation majeure qui subsiste est politique : comment l’oligarchie s’y prendra-t-elle pour faire accepter par les citoyens, comme en 2008-2009, un nouveau renflouement du système financier qui lui permette de conserver son pouvoir de nuisance ? Parions que ce sera difficile… et faisons tout pour cela.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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