Penser les lendemains du monde

Pour sa quinzième édition, du 3 au 6 août, le colloque international de Tonalestate, en Italie, traitera du thème de l’héritage culturel. Sa présidente trace quelques pistes de réflexion.

Lanzoni Elena  • 20 juillet 2016
Partager :

De quoi les nouvelles générations héritent-elles vraiment des précédentes ? Quelle histoire, quel chemin, quelles perspectives ont-elles reçus ? Et, à leur tour, quelle histoire, quel monde, quel chemin, quelle perspective, les adultes d’aujourd’hui laisseront-ils aux générations futures ? Ne sommes-nous pas face à un mundo sin mañana, (« un monde sans lendemain »), comme le chantait Ali Primera, chanteur révolutionnaire vénézuélien, il y a déjà quarante ans ?

Le tableau de Grant Wood que Tonalestate a choisi pour illustrer le thème de cette édition 2016 nous laisse deviner un scénario cynique et résigné dans lequel ce mundo sin mañana devient une triste vérité. Quand le père et sa fille apparaissent en tous points semblables, dépourvus de différences, dans leur perfection morale, sociale et bourgeoise, que deviennent la créativité humaine et l’imprévu ?

La nouvelle génération sera-t-elle une copie à l’identique, sans espoirs ni mémoire, de la précédente ou saura-t-elle vivre avec sa propre identité ? Quel héritage laissera-t-elle à son tour ? Rejettera-t-elle en bloc l’héritage du passé ou conservera-t-elle, sous des formes renouvelées, plus adaptées au monde contemporain, ce que ses pères lui ont légué ? En gardera-t-elle la mémoire ? Ou lui faudra-t-il voir la génération précédente « morte et enterrée » pour que le « nouveau puisse avancer » ?

Ce sont là quelques-uns des principaux thèmes dont discuteront les intervenants (et le public) de cet opus 2016 du colloque de Tonalestate, du 3 au 6 août, entre Passo del Tonale (province de Trente) et Ponte di Legno (province de Brescia), au cœur des Alpes italiennes [^1]. Ce mundo sin mañana frappe notre esprit, réveille l’imagination et nous interpelle. Car il nous faudra bien inventer un monde nouveau !

Nous traiterons donc du thème de l’héritage en ouvrant, le premier jour, à des réflexions sur la tradition historique et littéraire des différentes générations, en écoutant les voix d’Emilio Pasquini et de Francisco Prieto ; nous analyserons les perspectives d’avenir avec la géographe irlandaise Anne Buttimer et le généticien et agronome Marcello Buiatti. La deuxième journée sera consacrée plus particulièrement au dialogue interreligieux et au « je suis ce que tu seras », promesse biblique qui lie les trois religions monothéistes : à ce propos seront interpellés le rabbin Joseph Levi, Izzeddin Elzir et Roland Meynet, avec d’autres intervenants qui ont consacré leur vie au dialogue, comme le rabbin Jeremy Milgrom ou Jani Rashid. La troisième journée abordera la situation géopolitique mondiale et ses multiples scénarios possibles, avec une discussion entre Gian Guido Folloni, Yuri Gromiko, Dominique Vidal, Michel Warschawski, Josè Tojeira et le pianiste syrien Aeham Ahmad.

Un moment de débat sera ouvert aux peuples en lutte pour conserver leur identité, avec les contributions de Francie Brolly (Irlande), Jamal Zahalka (Palestine), Valeriu Nicolae (Rom), Mastuguru Isa (Okinawa), et avec les témoignages des reporters indépendants Giorgio Fornoni et Annalisa Vandelli. Enfin la dernière journée traitera du principal défi posé à la nouvelle génération : l’immigration, avec des témoignages recueillis à Calais, à Idomeni (à la frontière gréco-macédonienne) et à Lampedusa.

[^1] Colloque culturel international de Tonalestate, Un mundo sin mañanaIo sono quel che sarai (« Je serai ce que tu seras »), du 3 au 6 août.

www.tonalestate.org

**Elena Lanzoni** Présidente du colloque international de Tonalestate.
Idées
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Quand la justice menace (vraiment) la démocratie
Idées 11 décembre 2025 abonné·es

Quand la justice menace (vraiment) la démocratie

De Marine Le Pen à Nicolas Sarkozy, plusieurs responsables politiques condamnés dénoncent une atteinte au libre choix du peuple. Un enfumage qui masque pourtant une menace juridique bien réelle : celle de l’arbitrage international, exercé au détriment des peuples.
Par François Rulier
Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 
Entretien 10 décembre 2025 abonné·es

Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 

Il y a dix ans, lors de la COP 21, 196 pays s’engageaient dans l’accord de Paris à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour contenir le réchauffement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Depuis, la climatologue ne ménage pas son temps pour faire de la vulgarisation scientifique et reste une vigie scrupuleuse sur la place des faits scientifiques.
Par Vanina Delmas
Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !
Essais 5 décembre 2025 abonné·es

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !

À travers deux ouvrages distincts, parus avec trente ans d’écart, le politiste Thomas Brisson et l’intellectuel haïtien Rolph-Michel Trouillot interrogent l’hégémonie culturelle des savoirs occidentaux et leur ambivalence lorsqu’ils sont teintés de progressisme.
Par Olivier Doubre
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre