Le PS s’intéresse au revenu de base…

Un cheval de Troie pour défaire notre modèle social.

Liêm Hoang-Ngoc  • 9 novembre 2016 abonné·es
Le PS s’intéresse au revenu de base…
© Photo : CITIZENSIDE / GERARD BOTTINO / CITIZENSIDE

La revendication d’un revenu universel pose le problème de la lutte contre la pauvreté. Pour y remédier, il suffirait de revaloriser les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté (1 000 euros). Cela ne coûte pas plus de 10 milliards, que l’on peut mobiliser en redéployant les sommes consacrées à la politique de l’emploi. Il est également possible de porter le salaire minimum net à 1 300 euros. Tout ceci engendrerait un effet macroéconomique positif, alors que la déflation menace.

Alors, pourquoi cette agitation autour d’un concept aussi séducteur que flou ? Les libéraux et les libertaires en avaient fait leur miel. Voilà que les « socialistes », en panne d’idées pour leur primaire, s’en emparent, de Benoît Hamon à Manuel Valls. La Fondation Jean-Jaurès a mis à leur disposition une étude [^1] privilégiant un scénario chiffré de mise en œuvre du revenu de base, illustrant, une nouvelle fois, la rupture des socialistes avec le socialisme. Le revenu de base serait versé inconditionnellement à tous les Français. Il serait fixé à 225 euros jusqu’à 15 ans, 375 euros jusqu’à 18 ans, 750 euros entre 18 et 65 ans et 1 125 euros après 65 ans. Il se substituerait aux minima actuels, aux allocations-chômage et aux prestations versées par le régime de protection sociale obligatoire – les affections de longue durée (ALD) restant prises en charge. Son coût serait de 630 milliards d’euros, soit 30 % du PIB (plus que la part actuelle des dépenses sociales). Le redéploiement du pacte de responsabilité, une hausse de deux points de la TVA et une augmentation de la contribution climat-énergie compléteraient le financement.

De l’utopie à la réalité, le revenu de base devient un cheval de Troie pour défaire notre modèle social. En son sein, les salariés avaient commencé à conquérir des positions clés dans la lutte pour le contrôle de la production et de la répartition des richesses qu’ils créent dans l’entreprise. Cela leur permet pour l’heure de négocier et de gérer collectivement la part affectée à la rémunération de leur force de travail : le salaire direct, mais aussi indirect (à travers la cotisation ouvrant droit à la prestation sociale) et, demain, le salaire à vie prôné par Bernard Friot. Or dans l’étude, les cotisations des travailleurs au régime de retraites par répartition sont détournées pour financer le revenu de base de tous, y compris des rentiers. La couverture maladie disparaît (sauf pour les ALD). Chacun devra donc recourir aux assurances privées (pour se soigner) et aux fonds de pension (pour compléter les 1 125 euros de revenu de base des retraités). Enfin, le revenu de base, cumulable avec le salaire, permet aux employeurs de baisser les salaires, si ce n’est de célébrer les funérailles du salaire minimum. À terme, l’enterrement des « charges sociales » paraît aller de soi : l’étude évoque les « dysfonctionnements de la gestion paritaire » et le basculement des cotisations sociales vers des impôts indirects. Le patronat rêve de défaire l’État social, des « socialistes » y travaillent. Il est temps que le camp du travail leur signifie son insoumission.

[^1] Fondation Jean-Jaurès, « Le revenu de base, de l’utopie à la réalité », par le groupe de travail Revenu universel, 2016.

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