Le retour de la guerre

L’humanité n’a jamais été confrontée à tant de dangers.

Jérôme Gleizes  • 21 décembre 2016 abonné·es
Le retour de la guerre
© ZHA CHUNMING / XINHUA / AFP

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. » (Jaurès, 1895). Jamais, depuis 1945, notre planète n’a connu autant de risques de guerre, pour plusieurs raisons. Il y a déjà eu des alertes sérieuses (guerre de Corée en 1950, crise des missiles à Cuba en 1962), mais jamais la menace n’a été aussi diffuse ni multiple. L’humanité n’a jamais été confrontée à autant de dangers.

Tous les regards se concentrent sur le Moyen-Orient et la montée de l’État islamique. Le totalitarisme takfiriste est une réalité, mais son développement doit beaucoup à la realpolitik de l’Occident. L’organisation de l’implosion de l’Irak par les néoconservateurs américains après la guerre de 2003 a permis la convergence des réseaux jihadistes d’Al-Qaïda et des forces baasistes de Saddam Hussein, ainsi que la création de l’État islamique. Aujourd’hui, ils prospèrent grâce aux armes occidentales ou non, pillées dans les stocks en Irak, en Syrie ou en Libye. Le commerce mondial des armes prospère, et la France se vante de vendre des armes utilisées notamment au Yémen. Mais la principale responsabilité remonte aux années 1920, quand l’Angleterre, la France et les États-Unis laissèrent les wahhabites prendre le contrôle des deux premiers lieux de l’islam, La Mecque et Médine, à la place des Hachémites, légataires des lieux depuis des siècles. Semer la division pour mieux contrôler le pétrole. Depuis, les wahhabites et l’Arabie saoudite diffusent leur vision salafiste de l’islam à travers le monde, relancent le conflit entre chiites et sunnites, et entament une guerre au sein de l’islam contre les courants soufis. Au Yémen, l’Arabie saoudite tue en silence.

Dans le même temps, on oublie d’autres conflits au potentiel destructeur bien plus important entre puissances nucléaires. La militarisation de la mer de Chine orientale et méridionale, à travers l’installation de bases aériennes et navales chinoises, réactive des conflits séculaires entre nations aux capacités militaires importantes. La menace récente, par le ministre de la Défense indien, d’utiliser l’arme nucléaire contre le Pakistan rappelle un conflit né aux indépendances. Et qui s’ajoute à l’opposition entre l’Inde et la Chine, qui n’ont toujours pas défini leurs frontières.

Last but not least, l’entrée de l’humanité dans l’Anthropocène marque le risque accéléré de l’effondrement des écosystèmes. Le capitalisme a, dans un premier temps, amplifié l’exploitation des êtres humains, mais, aujourd’hui, l’accumulation de capital qu’il a nécessité a épuisé nombre de ressources naturelles non renouvelables, perturbé les équilibres thermodynamiques par une émission trop importante de gaz à effets de serre, et il est sans doute à l’origine de la sixième extinction des espèces. Ce risque nouveau par rapport aux siècles précédents pose la question de la survie de l’humanité, provoquant la fuite en avant des plus riches vers le « transhumanisme », la privatisation de la conquête spatiale et de la recherche au profit d’une minorité.

Face à de tels dangers, l’arrivée au pouvoir d’un Donald Trump, milliardaire, climatosceptique, provoquant la Chine et d’autres puissances proches de la Russie, a de quoi inquiéter sur l’avenir de la planète.

Jérôme Gleizes Directeur de publication de la revue Écorev’

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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