Revenu universel : Lettre ouverte à Jean-Luc, Benoît et quelques autres

Au moment où la question du revenu d’existence revient dans le débat aussi bien à droite de l’échiquier politique qu’au sein des forces de gauche et écologistes, Paul Ariès lance un appel au nom de l’Observatoire International de la Gratuité.

Paul Ariès  • 24 janvier 2017
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Revenu universel : Lettre ouverte à Jean-Luc, Benoît et quelques autres
© JACK GUEZ / AFP

Pour sortir du vrai/faux débat sur le revenu universel, défendons la gratuité du service public !

Nous appelons les forces de gauche et écologistes et notamment La France Insoumise à sortir du vrai/faux débat sur le revenu d’existence ou universel. Cette question nous divise parce que nous n’allons pas assez loin dans la mise en cause des fondements du système capitaliste et du productiviste.

Paul Ariès est politologue, rédacteur en chef du mensuel Les Zindigné(e)s, et délégué général de l’Observatoire International de la gratuité

La France à genoux économiquement mais debout politiquement avait su en 1944 instaurer la sécurité sociale qui n’était pas une simple roue de secours face aux accidents de la vie mais le fondement d’une autre conception de la société. C’est pourquoi nous ne parlons pas des services publics mais du service public. Alors que la France n’a jamais été aussi riche qu’aujourd’hui nous devons mettre au cœur de nos combats la défense et l’extension de la sphère de la gratuité du service public et de nombreux biens communs, par souci de répondre aux urgences sociales, écologiques, politiques, mais aussi pour commencer à changer la société dans le sens d’une transition vers l’éco-socialisme.

Nous ne partons pas de rien pour cela mais d’un « déjà là » conquis de haute lutte, avec la gratuité de l’école publique et ce qui reste de celle des soins ou du logement. Nous partons aussi de tout ce qui s’expérimente aujourd’hui dans des centaines de ville avec la gratuité de l’eau vitale, des transports en commun urbains, des services culturels, de la restauration scolaire, des services funéraires, du bouclier énergétique, etc.

Par gratuité du service public nous entendons une gratuité construite, une gratuité économiquement construite : l’école publique est gratuite mais financée par nos impôts, une gratuité politiquement, socialement, culturellement construite. La gratuité ce n’est pas le produit ou le service débarrassé du coût mais du prix.

Défendre et étendre la sphère de la gratuité c’est apprendre à lier le social et l’écologie car nous devons apprendre à différencier selon les usages : pourquoi payer son eau le même prix pour faire son ménage et remplir sa piscine ? C’est aux gens de décider ce qui doit être gratuit, renchérit et parfois même interdit.

Défendre et étendre la sphère de la gratuité ce n’est pas rendre gratuit ce qui existe, mais profiter de la gratuité pour repenser les produits et les services. Ce qui suppose de démocratiser au maximum le fonctionnement du service public. Ainsi rendre les transports en commun gratuits c’est nécessairement les modifier pour défendre à la fois l’écologie et le droit au déplacement des plus pauvres. Ainsi rendre la restauration sociale gratuite, c’est se donner les moyens d’avancer vers une alimentation relocalisée, désaisonnalisée, moins gourmande en eau, moins carnée, assurant la biodiversité, faite sur place et servie à table.

Défendre et étendre la sphère de la gratuité c’est donner à chacune et à chacun de quoi vivre de façon inconditionnelle mais avec un revenu largement démonétarisé, déséconomisé, c’est donc commencer à sortir du capitalisme.

Jean-Luc, Benoit et quelques autres vous pouvez ne pas diviser la gauche et l’écologie en imaginant ce que pourrait être dès maintenant une économie répondant aux besoins sans passer par la marchandisation et la monétarisation.

Soyez les défenseurs d’une sécurité sociale généralisée.

Soyez ceux qui défendent et étendent la sphère de la gratuité du service public.

Publié dans
Tribunes

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