Macron ne rime pas avec colon

L’homme en marche se serait-il pris les pieds dans le tapis de l’histoire en évoquant un « crime contre l’humanité » ?

Christophe Kantcheff  • 22 février 2017
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Macron ne rime pas avec colon
© Photo : Daniel LEAL-OLIVAS / AFP

Dans son grand bazar à citations, qu’Emmanuel Macron alimente chaque jour, il y en a pour tout le monde. En hommage aux cancres, il a expliqué que, pour « voter cette belle loi de 1905 séparant l’Église et l’État, il a fallu des hommes et des femmes » – celles-ci ayant obtenu le droit de vote en 1944. Les fans de la Manif pour tous, eux, ont dû apprécier sa sortie sur les anti-mariage gay « humiliés par un gouvernement qui n’a pas opté pour le dialogue ». Enfin, aux téléspectateurs algériens, il a déclaré, le mercredi 15 février : « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie, un passé que nous devons regarder en face en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. »

Et soudain, l’auberge espagnole de M. Macron a été la cible d’attaques virulentes. Ce plat-là ne passait décidément pas. Voilà qui atteste d’une « détestation de l’histoire », a jeté l’impartial Fillon. Macron « discrédite la grande histoire de France », a proclamé l’honorable Estrosi. Philippot le philanthrope, quant à lui, a énuméré ce que l’Algérie doit à la colonisation : « C’est un crime contre l’humanité, les routes qu’on y a laissées, les écoles qu’on y a mises, les hôpitaux qui ont été construits, la langue française qui a été laissée en héritage, la culture française ? » Et toutes ces baignoires installées, si fonctionnelles…

Mais, au-delà de ces irréductibles patriotes, scientifiquement plus proches de Lòrant Deutsch que de Fernand Braudel, l’homme en marche se serait-il pris les pieds dans le tapis de l’histoire en évoquant un « crime contre l’humanité » ? Sur le plan juridique, le processus de reconnaissance, qui passe par le dépôt d’une plainte de la part d’un État ou d’un particulier, est bloqué par les lois d’amnistie votées dans les années 1960. Pour désigner les massacres de masse, les exécutions par asphyxie dans des grottes, la torture généralisée souvent synonyme de meurtre, les déplacements de population par centaines de milliers, les noyades d’opposants, aux pieds immobilisés, projetés du haut d’hélicoptères, les viols ordonnés, la répression sans merci, l’expression se justifie pleinement. Comme l’a dit Aimé Césaire au sujet de la colonisation : « L’Europe est moralement, spirituellement, indéfendable. »

Culture
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