Pour en finir avec le traitement inhumain des Roms

Afin de lutter contre l’exclusion et le racisme à l’égard des populations roms, le collectif CNDH Romeurope propose 20 mesures concrètes aux candidats à la présidentielle.

Hugo Boursier  • 16 février 2017 abonné·es
Pour en finir avec le traitement inhumain des Roms
© Photo : OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP

Ses mots semblaient aller dans le bon sens. Dans un courrier adressé au collectif CNDH Romeurope datant du mois de mars 2012, François Hollande s’engageait à proposer aux Roms « des solutions alternatives lorsqu’un campement insalubre [sera] démantelé », faisant le constat que les familles « chassées d’un endroit sans solution » s’installaient souvent « ailleurs dans des conditions qui ne sont pas meilleures ». « C’est bien la politique du gouvernement de Nicolas Sarkozy qui est responsable de la précarité intolérable », de ces populations, concluait-il.

Quel est son bilan, en 2017 ? Malgré quelques avancées en termes de législation, les expulsions se poursuivent. À Paris, les bidonvilles de la Porte des Poissonniers et de La Chapelle vont être vidés avant la fin du mois de mars. Au moins 600 habitants sont concernés. Aucune solution de relogement n’a pour l’instant été formulée.

Face à cette situation intolérable, Romeurope a décidé de s’immiscer dans la campagne présidentielle, en envoyant à chaque candidat les 20 mesures qu’elle préconise pour une « politique d’inclusion des personnes vivant en bidonville et squat ».

Des expulsions contre-productives

Depuis 2012, en France, 60 000 Roms ont été expulsés. Rien qu’en 2015, le nombre s’élevait à 11 000, selon European Roma Rights Center. Pourtant, ces populations, venant en majorité de Roumanie et de Bulgarie, ne représentent que 17 000 âmes sur le territoire français.

C’est un des constats alarmants que dressent les associations : les familles roms doivent abandonner leurs habitations de nombreuses fois dans l’année, parfois même dans le mois. À cause de ces départs, les enfants, qui constituent un tiers des habitants des bidonvilles, sont soit déscolarisés, soit contraints de faire plusieurs heures de trajet pour aller à l’école. Le travail d’inclusion opéré par les associations avec les Roms est ainsi rendu inutile.

© Politis

Cette politique d’acharnement contribue à une précarisation toujours plus grande de ces citoyens européens. Guillaume Lardanchet, membre de la CNDH et président de l’association Hors la rue, explique qu’il est nécessaire pour les politiques de « sortir des discours convenus, montrer des exemples concrets et remettre de l’intelligence dans le débat public ».

Par exemple, le budget consacré à la résorption des bidonvilles représente environ 170 euros par an et par personne, selon le Dihal, alors que les expulsions successives coûtent à l’État 1 300 euros par occupant. C’est une question de « réorganisation des fonds et de bon sens », insiste-t-il.

L’amélioration des conditions de vie en bidonville et en squat est une « mesure prioritaire demandée de longue date », ajoute Manon Fillonneau, déléguée générale de la CNDH. Elle explique qu’en garantissant une meilleure situation pour les Roms, les élus craignent un « appel d’air », et imaginent une arrivée massive. Une crainte infondée, qui rappelle les réactions des collectivités locales face à la décision du maire de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême, de construire les infrastructures nécessaires pour les migrants du Proche-Orient et d’Afrique du Nord.

D’autant plus que la situation dans les bidonvilles ne respecte pas les principes fondamentaux auxquels la France s’est engagée, comme le montre le document de la CNDH :

© Politis

Projet participatif

Des initiatives locales existent et fonctionnent. À Toulouse, 400 personnes dont 177 enfants ont été relogées dans des appartements. À Ivry-sur-Seine, François Loret, président de Convivance, explique qu’un travail au long cours a été mis en place pour créer les conditions favorables à l’inclusion des Roms dans la ville.

Mais cela reste souvent dépendant du bon vouloir des élus. Les associations demandent une vraie politique nationale, permettant de fonder des projets participatifs, avec l’implication des habitants dans la réalisation et la coconstruction des habitations. Trop souvent, les diagnostics sont éloignés de la réalité et les consultations absentes dans les prises de décisions.

Racisme et pédagogie

Le CNDH aborde aussi les préjugés, qui restent prégnants au sein des services administratifs. Le combat contre la libération de la parole raciste est un enjeu important. Cela passe par de la pédagogie, dès l’école. François Loret rapporte le témoignage d’une institutrice, qui concède avoir « retrouvé du sens à son métier, redécouvert l’ascenseur social » grâce à l’accueil de Roms dans sa classe, dont « la dynamique a été boostée ».

Ces préjugés sont aussi véhiculés par les politiques et les médias, qui décrivent les conditions précaires que subissent les Roms comme étant inhérentes à leur culture ou leur ethnie. Manuel Valls parlait ainsi en 2013 de « l’évidente confrontation » des modes de vie, Nicolas Sarkozy des « implantations sauvages de campements roms », Samia Ghali de la « recrudescence des cambriolages » due à l’arrivée de Roms à Marseille.

À voir le film À bras ouverts de Philippe de Chauveron, qui sort le 5 avril 2017, certaines productions culturelles doivent aussi se poser des questions. Le réalisateur imagine l’accueil d’une famille dite rom par un homme riche et humaniste, campé par Christian Clavier. Ary Abittan, qui joue un membre de cette famille, interprétait un personnage de culture juive dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, le précédent film de Philippe de Chauveron… Voici sa bande-annonce.

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