Et pour quelques calomnies de plus…

Le nouveau préfet de la région Île-de-France vient de proférer que le CCIF alimente les rangs de Daech.

Sébastien Fontenelle  • 6 mars 2017 abonné·es
Et pour quelques calomnies de plus…
© Photo : MARTIN BUREAU / AFP

Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a été fondé en 2003. Il a pour objet – on l’aura deviné à cette appellation – de lutter contre l’islamophobie. Cela devrait, évidemment, être partout applaudi. Mais, dans une époque où la stigmatisation des mahométan(e)s est devenue une discipline médiatique et politicienne à part entière, cela lui vaut plutôt des détestations – ou des haines – tenaces. Comme celle, par exemple, des « penseurs » de médias qui se sont fait une spécialité de confectionner, par des moyens éventuellement infâmes, des anxiétés antimusulmanes. Ou celle, plus étonnante a priori, de M. Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui fut nommé naguère à ce poste par M. Valls, et qui semble parfois éprouver – si l’on en croit du moins certains de ses tweets – un peu de difficulté à se canaliser.

Depuis quelques années, donc, le collectif est très régulièrement calomnié par des procédés dont le moins cauteleux – et dégueulasse – n’est pas celui, d’usage désormais courant dans la presse dominante, qui consiste à le présenter, au motif, précisément, qu’il suscite des rancœurs chez les islamophobes mainstream, comme le « controversé CCIF » (Le Figaro) – voire, dans les moments de grande émotion, le « très controversé CCIF » (Le Parisien) –, cependant que ses responsables sont portraiturés en « étranges militants anti-islamophobie » (L’Express).

Aujourd’hui, cependant, ce n’est pas l’un des habituels cracheurs de bile susnommés qui a expectoré une – exceptionnelle – méchanceté, mais un certain M. Delpuech, qui vient d’être nommé préfet de la région Île-de-France par François Hollande après avoir précédemment servi (notamment) sous Mme Alliot-Marie, what a curriculum vitae.

À la télévision, cet éminent personnage vient en effet de proférer, dans le plus grand des calmes, et au prétexte, il va de soi, de la préservation de l’intégrité du « tissu républicain », que « le Collectif contre l’islamophobie […] alimente les rangs de Daech » en tenant « un discours de type : “La France ne vous aime pas.” »

Dans un pays dévasté par des attentats qui ont fait depuis deux ans plusieurs centaines de morts, et que son gouvernement a muré dans un état d’urgence porteur des dérives que l’on sait, M. Delpuech [1] assène donc très posément, et du haut de l’autorité que lui confère sa récente promotion préfectorale, que le CCIF, association antiraciste, est une espèce d’office de recrutement pour l’organisation terroriste qui a perpétré ces massacres : l’on escompte que l’exceptionnelle gravité d’une telle accusation n’aura pas échappé à qui l’a nommé là – car il serait plus scandaleux encore de la laisser sans réponse.

[1] Qui semble compter pour rien les déclarations faites jadis – lorsqu’il était le ministre de l’Intérieur de M. Sarkozy – par M. Guéant, qui estimait alors qu’il y avait trop de musulmans en France, ou naguère par M. Valls, appelant, du temps qu’il était dans Matignon, les mêmes à faire montre de plus de discrétion…

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes