La France de l’assisté

Est-il seulement arrivé, depuis l’an de grâce 1974, que M. Fillon mette la main à son porte-monnaie ?

Sébastien Fontenelle  • 15 mars 2017 abonné·es
La France de l’assisté
© photo : MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY / AFP

J’en suis venu, ces jours-ci, à me demander avec un peu de gravité – car le gars est tout de même candidat à la présidence de la République, et son rapport à ces choses-là pourrait après tout peser d’un certain poids dans la structuration de sa personnalité – j’en suis venu, disais-je, à me demander s’il est seulement arrivé, depuis l’an de grâce 1974, où il avait, je crois, une toute petite vingtaine d’années, que M. Fillon, François, mette la main à son porte-monnaie, pour ne rien dire d’un chéquier ou d’une carte bancaire.

Car, en effet, si j’en crois ce qu’en raconte la presse bourgeoise, et jusqu’au Figaro, où l’intéressé ne compte pourtant pas que des ennemi(e)s juré(e)s, lorsqu’il s’agit, en de très divers domaines qui vont de l’habillement au transport, d’engager une dépense, M. Fillon semble céder à une inclination particulière qui lui fait user plutôt de l’argent d’autrui – et notamment des contribuables.

Ainsi, dans le cours des années 2006 et 2007, M. Fillon – plutôt que le train, par exemple, qui est lent et vulgaire – « a utilisé », pour quelques-uns de ses déplacements, « des jets privés et des hélicoptères aux frais [1]» de son parti – lequel, rappelons-le, bénéficie tous les ans de moult millions d’euros d’aides publiques, qui ne lui sont pas du tout données pour que « Fifi le Hâtif » soit plus vite rendu que s’il prenait le TGV.

Puis encore : M. Fillon a, comme on sait, pris quelques « attachés parlementaires [2] » sélectionné(e)s parmi son très proche entourage domestique – et distribué de cette manière la rondelette somme de plus de 900 000 euros « pour sa femme » et deux de leurs « enfants ». (Noter ici que ladite épouse a également été rémunérée, à hauteur de 100 000 euros, par un ami de son mari, propriétaire d’une revue, pour un travail dont les seules traces tangibles sont, dit-on, et jusqu’à plus ample informé, deux courtes notules signées de surcroît d’un pseudonyme.)

En outre [3], M. Fillon a « obtenu un prêt de 50 000 euros non déclaré » à l’Assemblée nationale. (Et consenti par le même ami, décidément pris d’une frénésie de mécénat.)

Enfin, et pour sa vêture – qui n’est pas celle, tout en guenilles, d’un populacier prolétaire –, « François Fillon se serait fait offrir » par un pote dont le nom ne nous est pas connu, et dans le cours des cinq dernières années, « pour 48 500 euros de costumes, payés pour partie en espèces » : un coquet montant, là encore [4].

En sorte que, si l’on additionne ce qu’il prend au Parlement à ce qu’il accepte de ses généreux copains, M. Fillon, en même temps qu’il fait pleuvoir quelques subsides sur les sien(ne)s, rogne sur ses propres frais de fonctionnement de si substantielles économies qu’il ne serait sans doute pas complètement extravagant de le regarder désormais comme l’un des plus prototypiques représentants de ce pays mental (et imaginaire) envers lequel son parti et ses journalistes d’accompagnement développent pourtant une très répulsive aversion : « La France des assistés. »

[1] Le Figaro, 10 juillet 2014.

[2] Le Canard enchaîné, nombreux articles.

[3] Le Point, 7 mars 2017.

[4] BFM TV, 12 mars 2017.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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