Antiterrorisme : la surenchère sécuritaire

Après l’attentat-suicide de Manchester, Emmanuel Macron souhaite prolonger l’état d’urgence jusqu’en novembre et faire voter une nouvelle loi antiterroriste. La décision finale reviendra aux députés élus les 11 et 18 juin.

Maïa Courtois  • 24 mai 2017
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Antiterrorisme : la surenchère sécuritaire
© PHOTO : PHILIPPE DESMAZES /AFP

Emmanuel Macron était ce matin au Conseil de défense convoqué après l’attentat-suicide de Manchester, perpétré par un homme de 22 ans à la fin d’un concert d’Ariana Grande. Revendiqué par Daesh, l’attentat a fait vingt deux morts et des dizaines de blessés, parmi lesquels de très jeunes victimes. La réponse du nouveau gouvernement a immédiatement pris la forme de la surenchère sécuritaire.

Le président de la République a d’abord annoncé la prolongation de l’état d’urgence, jusqu’au 1er novembre 2017. L’état d’urgence était actuellement en cours jusqu’au 15 juillet : si les nouveaux députés élus en juin acceptaient de se ranger à la volonté présidentielle, il s’agirait de sa sixième prolongation. Le mois de novembre 2017 signerait alors deux ans passés sous le régime de cet état d’ « exception ».

Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb déclarait ce matin vouloir « prolonger l’état d’urgence et en même temps voir les conditions pour en sortir ». Une formule qui dissimule à peine la volonté de pérenniser les modalités de l’état d’urgence pour des « cas particuliers ». Comprendre : les « spectacles, organisations, manifestations ». Gérard Collomb veut « faire que dans ces cas-là, on puisse continuer à avoir recours à des mesures administratives et pas des mesures normales ».

Emmanuel Macron promet également une nouvelle loi antiterroriste dans les semaines à venir. Lors du Conseil de défense, il a réclamé en ce sens des mesures de renforcement de la sécurité, hors état d’urgence.

« Task force anti-Daech »

Le président de la République a également réitéré sa volonté de mettre en place au plus vite une « task force anti-Daech ». Une promesse de campagne, aux contours encore (très) flous. D’après Gérard Collomb, « ce n’est pas une force spéciale, mais une coordination qui permet d’agir mieux sur le terrain » ; 50 à 100 agents seraient mobilisés, 24 heures sur 24. Cette coordination des différents services de renseignement ne devrait pas se concentrer seulement à l’Élysée, mais à tous les échelons. Reste à définir les places de chacun, dans le cas où ce centre de coordination apporte une véritable nouveauté à ce qui existe déjà.

Parmi les autres promesses du quinquennat, on peut rappeler la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes. Gérard Collomb, qui a armé la police municipale de sa ville de Lyon après les attentats de novembre 2015, veut engager une discussion avec les maires de France – il s’est entretenu hier avec le maire de Nice, Christian Estrosi. Il assure être « favorable à ce que les polices municipales soient armées, à condition d’être formées », et souhaite leur rapprochement avec les forces de l’ordre nationales.

Le ministre de l’Intérieur a également promis une nouvelle législation « dans les trois à quatre mois qui viennent » sur le trafic de stupéfiants, qui alimente, selon lui, les réseaux du terrorisme. Les personnes interpellées pourraient faire l’objet d’une « contravention immédiate », assortie d’une mesure d’éloignement pour « leur interdire de réapparaître dans le quartier ».

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