Fallait pas pavoiser

Quand Plantu amalgame Mélenchon et Le Pen, c’est toujours une vilenie, mais ça ne me fait plus le même effet qu’avant.

Sébastien Fontenelle  • 21 juin 2017 abonné·es
Fallait pas pavoiser
© Photo : ERIC PIERMONT / AFP

Il y a quelques années – en 2011 –, le consternant dessinateur Jean Plantureux, dit Plantu, avait confectionné, pour l’hebdomadaire L’Express (droite), et pour dénoncer, avec sa coutumière subtilité, ce qu’il appelait « l’ascension des néopopulismes », une pleine page bien de son temps, où Jean-Luc Mélenchon (JLM) était représenté sous l’aspect d’une espèce de clone de Marine Le Pen (ou peut-être était-ce l’inverse). J’avais trouvé ça complètement dégueulasse – je crois qu’on s’en était d’ailleurs parlé ici.

Et voilà que, six années après, le même Plantu, qui a, dans l’intervalle, reçu pour son association Cartooning for peace un prix d’un montant de 10 000 euros des mains de l’ambassadeur du Qatar – démocratie fameuse – et produit une assez conséquente série de dessins abjects sur les musulman-e-s et les syndicalistes, voilà, disais-je, que Plantu remet ça : Le Monde, où il officie quotidiennement, publie ce soir une vignette où, derechef, il amalgame Mélenchon et Le Pen.

Et tu sais quoi ? Ça ne me fait pas tout à fait le même effet que la fois d’avant.

Non que je trouve ça digne, hein ? (Me fais pas dire ce que j’ai pas dit, steuplaît, les gens : après, tu t’énerves, et ça part en cacahuète.) C’est encore une vilenie.

Mais le fait est que, dans l’intervalle, « Jean-Luc » – comme on l’appelle chez la France insoumise, où la vénération de sa personnalité s’hisse désormais, sometimes, vers des altitudes aconcaguesques –, dans sa dernière campagne présidentielle, a quand même un peu déconné [1]. Quand il s’en est pris, au mois de juillet dernier, au « travailleur détaché, qui vole son pain au travailleur qui se trouve sur place », par exemple. Ou quand il a proféré, quelques semaines plus tard [2], et sous les hourras du Figaro (que tant de « prises de position inhabituelles » à « gauche » pâmaient), qu’il n’avait « jamais été pour » la « liberté d’installation » et que c’était pas maintenant qu’il allait « commencer [3] ». Ou quand il a décidé qu’il fallait pavoiser ses meetings de drapeaux bleu, blanc, rouge et y beugler « La Marseillaise » [4].

Et le fait est qu’après l’émission de ces signaux, envoyés au prétexte finement stratégique de reprendre du terrain à l’extrême droite [5], et toutes choses égales par ailleurs, il est devenu plus difficile de s’offusquer lorsque Plantu fait du Plantu.

[1] Promis : c’est la dernière fois que je t’en parle, au moins jusqu’à la rentrée.

[2] Dans une interview au Monde.

[3] Et puis quoi, encore ? (Tu serais pas une espèce d’envoyé-e de ces hirsutes gauchistes « pour qui il est normal que tout le monde puisse s’établir où il veut, quand il veut » ?)

[4] Liste non exhaustive : il faudrait aussi rappeler que JLM a tranquillement déclaré que la Pen avait eu « absolument » raison de refuser de porter un foulard lorsqu’elle a rendu visite, au mois de février dernier, à Beyrouth, au mufti de la République libanaise, etc.

[5] Mais décidément, ça ne marche pas, tavu : c’est bel et bien la Pen qui s’est qualifiée pour le second tour de la présidentielle.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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