L’extrême droite plurielle

Une vilenie altérophobe devient soudain plus acceptable dès lors qu’elle est dite par un « républicain ».

Sébastien Fontenelle  • 30 août 2017 abonné·es
L’extrême droite plurielle
© photo : ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Ça s’est bien passé, ton mois d’août ? Moi : très bien, merci. (C’est vraiment gentil de demander.) Et, en rentrant, je suis tombé, dans un même numéro du Monde, sur deux articles dont la lecture, à quelques minutes d’intervalle, était fort édifiante.

Le premier de ces papiers observait, à la page 2, que la Hongrie de Viktor Orbán est devenue, depuis quelque temps, un « repaire de l’extrême droite mondiale », où se sont déjà installées, dans le cours des trois dernières années, et par l’odeur alléchées, plusieurs folkloriques personnalités de « la “fachosphère” occidentale » – et l’intéressant, là, n’était pas tant dans l’observation de ce nouveau grégarisme de quelques fafs que dans la restitution de la logorrhée de ces misérables, qui expliquent avoir fui, en vrac, « la déferlante africaine », les « musulmans » et l’insécurité, pleine d’« enfants marocains traînant dans les rues », qui auraient, d’après un « Viking » (sic) interviewé par Le Monde, transformé Stockholm (Suède) en ville du « tiers-monde ».

Après quoi, le second papier racontait, dans le même numéro donc (ça serait bien que tu suives), mais à la page 9, que Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, serait, après avoir « accompagné » sa « droitisation », probablement élu, au mois de décembre prochain, président de son parti – Les Républicains. Car, explique Le Monde, lorsqu’il expectore que « ce n’est pas à la France de s’adapter aux étrangers, mais aux étrangers de s’adapter à la France » ou célèbre « les “racines chrétiennes” d’une France menacée par l’immigration et “l’islamisation” », il fait se pâmer « un corps militant » qui, « depuis le » répugnant « discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010, acte de naissance d’une seconde partie de quinquennat aux accents sécuritaires et identitaires », n’a cessé de « se déporter vers la droite ».

Adoncques, tu l’auras compris : lorsque ce sont des « nationalistes » revendiqués qui se vautrent dans la fustigation des immigré(e)s et l’islamophobie (et cætera), Le Monde énonce très distinctement, et sans difficulté, qu’ils sont d’« extrême droite ». Mais, quand M. Wauquiez nourrit son clientélisme de proférations puisées dans le même sordide registre, le ton de ce journal dit « de référence » se fait tout d’un coup plus contenu, et sa rédaction se demande plutôt, comme si la question se posait encore après qu’il a émis tant de signaux univoques, si l’intéressé, dans la suite de sa campagne partidaire, « penchera vers l’extrême droite ».

Adoncques, bis : une même vilenie altérophobe devient soudain plus acceptable – et en tout cas mieux admise – dès lors qu’elle est dite par un « républicain » plutôt que par de plus pittoresques chauvins. C’est ainsi – par ces tolérances – que Marine Le Pen, dans un récent passé, fut de fait dédiabolisée par les mêmes qui allaient ensuite s’offusquer dans d’hauts cris de ce qu’elle réussisse de si beaux scores électoraux : apparemment, la leçon n’a pas encore été bien retenue.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes