Harcèlement : Derrière la guerre des sexes, la lutte des classes

Pour abuser de son pouvoir, encore faut-il en avoir.

Pauline Graulle  • 18 octobre 2017 abonné·es
Harcèlement : Derrière la guerre des sexes, la lutte des classes
© photo : Yann COATSALIOU/AFP

Harvey Weinstein aurait-il pu violer et abuser sexuellement autant de femmes pendant si longtemps s’il n’avait été qu’un sous-fifre de l’industrie du cinéma américaine ? La réponse est évidemment non. Voilà ce que nous rappelle le triste drame hollywoodien qui se joue en ce moment sous nos yeux : aussi célèbres et riches soient-elles, toutes ces actrices passées par les griffes du magnat de la production étaient, avant tout, ses employées – actuelles ou potentielles. Invitée sur le plateau du « Quotidien » (TMC) la semaine dernière, l’actrice française Florence Darel sous-entendait d’ailleurs combien le fait d’être déjà en contrat sur une série à l’époque de sa rencontre avec Weinstein lui avait « psychiquement » facilité la tâche pour refuser ses avances…

C’est une lapalissade de le dire : pour abuser de son pouvoir, encore faut-il en avoir. Or, dans ce monde du travail hyperconcurrentiel et miné par le chômage, à qui revient le vrai pouvoir – celui de faire ou de défaire une carrière ? Aux hommes, évidemment, qui continuent d’occuper, en France, près de 80 % des emplois de direction dans le secteur public, 73 % des postes de chef d’entreprise, et les trois quarts des sièges aux conseils d’administration du CAC40.

Le « troussage de domestique », l’ignoble expression dont Jean-François Kahn avait usé pour qualifier l’affaire DSK en disait long sur cet entremêlement séculaire entre pouvoir professionnel et domination masculine. Dans son ouvrage sur les raisons de l’omerta entourant « l’affaire Baupin », Sandrine Rousseau souligne combien l’influence de l’élu au sein d’EELV lui a trop longtemps servi d’anneau de Gygès. On ne s’étonnera pas, non plus, que, parmi les centaines de témoignages rassemblés sous le hashtag #Balancetonporc qui pullulent aujourd’hui sur les réseaux sociaux, les scènes d’abus relatées soient le plus souvent le fait de supérieurs hiérarchiques.

La société n’étant plus suffisamment patriarcale pour assurer l’impunité aux abuseurs sexuels au simple fait qu’ils sont « dans leur bon droit » d’homme, la domination masculine a désormais besoin d’un autre vecteur pour perdurer. De par sa structure même, l’impitoyable monde du travail produit par le néolibéralisme lui offre un relais (le dernier ?) pour continuer à se déployer. Aujourd’hui, tout le monde parle : c’est un progrès qui montre que la vieille idée de la « promotion canapé » est passé du côté de l’inacceptable. Mais faire sauter véritablement le couvercle de la domination masculine passera nécessairement par un profond changement des « superstructures » professionnelles.

Pour aller plus loin…

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »
Justice 1 juillet 2025 abonné·es

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »

Deux soldats franco-israéliens sont visés par une plainte de plusieurs ONG, déposée ce 1er juillet à Paris, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis à Gaza. Ils sont accusés d’avoir participé à des exécutions sommaires au sein d’une unité baptisée Ghost Unit.
Par Maxime Sirvins
Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes
Terrorisme 28 juin 2025

Procès AFO : quand la « peur de la guerre civile » justifie les projets d’actions racistes

De l’instruction à la barre, les 16 prévenus ont constamment invoqué la crainte de la guerre civile qui les a poussés à rejoindre le groupe. Ils ont brandi cette obsession, propre à l’extrême droite, pour justifier les projets d’actions violentes contre les musulmans.
Par Pauline Migevant
Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale
Idées 28 juin 2025 abonné·es

Accélérationnisme : comment l’extrême droite engage une course à la guerre raciale

L’idéologie accélérationniste s’impose comme moteur d’un terrorisme d’ultradroite radicalisé. Portée par une vision apocalyptique et raciale du monde, elle prône l’effondrement du système pour imposer une société blanche.
Par Juliette Heinzlef
« Notre école est le dernier service public du village »
École 26 juin 2025

« Notre école est le dernier service public du village »

Depuis vingt ans, 7 000 écoles publiques ont été fermées. Celle du Chautay, dans le Cher, pourrait également disparaître. Cette école est l’une des dernières classes uniques de ce département rural. Des parents d’élèves, dont Isabelle, ont décidé de lutter pour éviter cette fermeture.