« Investir en France »

Macron trouve aussi son intérêt dans le colportage de fausses nouvelles.

Sébastien Fontenelle  • 31 janvier 2018 abonné·es
« Investir en France »
Photo : Emmanuel Macron avec Sundar Pichai, pdg de google, au château de Versailles, le 22 janvier 2018.
© Thibault Camus / POOL / AFP

L****e mois dernier – on s’en parla ici même, s’il t’en souvient –, Emmanuel Macron, chef de l’État français, partait en guerre contre les « fake news » (les « fausses nouvelles », comme on les appelle dans la Beauce).

L’intention était, dans l’absolu, très louable, mais il y a un (gros) « mais », qui est qu’Emmanuel Macron lui-même gauchit [1] si souvent la vérité, et contrefait si régulièrement (et avec un tel aplomb) la réalité, que ce biais orwellien semble lui être aussi naturel que la respiration.

L’autre jour, par exemple, il recevait, à Versailles, et à la fin, notamment [2], de leur « vanter les mérites » de la fiscalité indigène, 140 « grands patrons étrangers [3] » – parmi lesquels Sundar Pichai, PDG de Google, qui lui a promis « d’investir en France ».

Ce qu’oyant, Emmanuel Macron lui a dans l’instant twitté un chaleureux « thank you for your very strong commitment to France @sundarpichai _», qu’on pourrait traduire par : « Merci pour cet engagement, Buddy. »

Aussitôt, les journalistes d’accompagnement de M. Macron, qui n’ont pas plus que lui le souci de l’exactitude, ont narré, en chœur, qu’il avait « séduit les investisseurs » (Paris Match), « séduit les décideurs » (L’Opinion) et « séduit les patrons » (Le Parisien) – puis ovationné en canon l’annonce que Google et Facebook allaient donc « investir en France », dans le cours des prochaines années et « dans le domaine de l’intelligence artificielle », quelques dizaines de millions d’euros.

Sauf que, dans la vraie vie, l’Union européenne a, comme le soulignait encore au mois de septembre dernier le magazine Capital, qui n’est pas exactement un repaire de redistributistes, « perdu 5,4 milliards d’euros en impôts de Google et Facebook entre 2013 et 2015 à cause de leurs mesures d’optimisation fiscale ».

Dans le cours de sa campagne présidentielle, le candidat Macron avait d’ailleurs promis d’« imposer les grands groupes Internet sur leur chiffre d’affaires réalisé en France » – mais il s’agissait déjà d’une fake new, puisque Google a finalement échappé à Paris, au mois de juillet dernier, à un redressement fiscal de plus d’un milliard d’euros.

Adoncques, lorsque Sundar Pichai explique à Emmanuel Macron qu’il va investir en France quelques picaillons, il n’apporte nullement le soutien que prétend son hôte élyséen à l’économie française : il lui restitue plutôt une minuscule fraction de la somme – un milliard d’euros, donc – dont il aurait dû s’acquitter s’il n’excellait pas dans l’art d’alléger son imposition par des montages pittoresques.

Et de cela, évidemment – de l’évidence que des patrons du monde entier s’essuient les pieds sur la fiscalité hexagonale et redoublent cette moquerie lorsqu’ils font mine, ensuite, de se porter au secours d’un pays ravagé par le chômage –, Emmanuel Macron pourrait s’offusquer.

Mais il trouve plutôt son intérêt dans le colportage de la fausse nouvelle selon laquelle « France is back ».

[1] Je me comprends.

[2] Selon Europe 1, qui a toute ma confiance.

[3] Comme dit la presse comme il faut – la même qui parle aussi régulièrement, et par exemple, de « grands flics », mais sans jamais expliciter ce que sont exactement ces grandeurs supposées.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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