Leur combat, notre dignité à tous…

Le développement de la sous-traitance permet de contourner l’État social.

Sabina Issehnane  • 17 janvier 2018 abonné·es
Leur combat, notre dignité à tous…
© Benjamin Mengelle / Hans Lucas

Située à moins de quinze minutes de Paris, la mairie de l’Haÿ-les-Roses vient de décider d’externaliser son service de nettoyage à une entreprise sous-traitante. La ville a ainsi mis fin à 22 contrats à durée déterminée (CDD) et licencié deux personnes en contrat à durée indéterminée (CDI). Certains ont cumulé des CDD depuis plus de quinze ans. La mairie promet que la société sous-traitante les reprendra en CDI mais rien ne certifie que ces contrats seront à plein temps. Comment l’externalisation à une entreprise sous-traitante permettra de faire baisser les coûts pour la mairie si ce n’est en pressurant les salariés, en réduisant les effectifs et en dégradant leurs conditions de travail ?

Les grèves des salariés des sociétés de nettoyage se répètent-elles ou les médias s’y intéressent-ils davantage ? Les femmes de chambre de l’Holiday Inn de Clichy en sont à plus de 90 jours de grève. Il y a moins d’un mois, les agents d’entretien des gares franciliennes gagnaient leur combat face à leur nouvel employeur après 45 jours de grève. Comme partout, la SNCF a externalisé depuis longtemps son service de nettoyage. Une nouvelle société a remporté l’appel d’offres, les contrats ont ainsi été transférés au nouveau prestataire. Les changements de prestataires, monnaie courante dans le secteur du nettoyage, conduisent à une course au moins-disant social afin de gagner un nouveau marché. Ce secteur est ainsi marqué par toutes les caractéristiques de la précarité : les salariés y sont majoritairement à temps partiel et faiblement rémunérés, avec un taux horaire souvent proche du Smic ; leurs horaires de travail sont souvent atypiques ; ils font face à une grande pénibilité au travail, avec des troubles musculo-squelettiques importants. Ces salariés de l’ombre, ces travailleurs invisibles sont majoritairement des femmes, faiblement diplômées, souvent de nationalité étrangère. Cette main-d’œuvre féminine cumule…

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À l’heure où le monde du travail s’intéresse à l’absence de protection des travailleurs des plateformes soumis à une subordination économique sans bénéficier d’un contrat de travail, nous en avions oublié un des maux du capitalisme : le développement de la sous-traitance. Les grèves successives dans le secteur du nettoyage permettent de rendre visibles les conditions de travail et d’emploi des salariés de ces entreprises sous-traitantes. Elles permettent également de pointer du doigt la responsabilité des donneurs d’ordre. Dans le cas de la grève dans les gares franciliennes, en quoi la SNCF n’est-elle pas responsable des conditions de travail des salariés qui nettoient ses gares et ses trains ? Comment les citoyens l’haÿssiens peuvent-ils accepter que leur maire traite ainsi ceux qui s’occupent de la propreté de leurs écoles ? À l’heure des nouveaux combats, toujours plus nombreux, n’oublions pas que la sous-traitance constitue un processus de subordination qui permet de contourner l’État social et de s’attaquer davantage à une main-d’œuvre déjà bien fragile, or rien n’est fait pour mettre les donneurs d’ordre devant leurs responsabilités.

Sabina Issehnane Maître de conférences à Rennes-II

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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