La fonte du pergisol arctique libère du mercure

Un rapport souligne le risque d’un empoisonnement progressif de la planète.

Claude-Marie Vadrot  • 12 février 2018
Partager :
La fonte du pergisol arctique libère du mercure
© photo : NICK FOX / ONLY WORLD / ONLY FRANCE

Les scientifiques américains, canadiens et russes (avec plus de réticences) ont déjà alerté les décideurs de la planète que la fonte de plus en plus rapide du pergisol, la couche de sol gelée depuis des millénaires, relâchait plusieurs gaz à effet de serre, dont du méthane, contribuant à son tour au réchauffement de l’atmosphère. Cette fonte remet aussi en cause la stabilité des immeubles et des maisons dont les fondations sont appuyées depuis longtemps sur le sol gelé, au point de faire pencher ou écrouler des constructions ou, comme à Irkoutsk en Sibérie, de provoquer l’enfoncement des isbas dont les fenêtres de rez-de-chaussée se retrouvent souvent désormais au niveau du bitume. Mais les spécialistes constatent désormais que la fonte en cours entraîne la dispersion dans les écosystèmes des produits toxiques emprisonnés depuis le début de l’ère industrielle.

Une étude publiée il y a quelques jours par la Geophysical Research Letters_ met l’accent sur un autre risque actuel : le relâchement progressif dans notre environnement, qu’il s’agisse des sols, des mers et de l’atmosphère des millions de litres de mercure actuellement emprisonnés dans les sols gelés.

120 millions de litres actuellement captifs

D’après les estimations des chercheurs répartis dans une quinzaine d’universités américaines, 120 millions de litres de mercure sont actuellement captifs du pergisol. Cette réserve commence à se libérer et une partie, expliquent Kevin Schaefer et Paul Schuster, les deux scientifiques qui ont coordonné et rédigé l’étude à partir des mesures faites sur le comportement des sols gelés de l’Alaska, va peu à peu empoisonner la planète. Ils ajoutent que la situation est la même dans de vastes territoires du Canada, de la Russie et de nombreux espaces de territoires des pays nordiques.

L’une des explications fournies par les scientifiques est la suivante : alors que, dans les espaces tempérés, le mercure habituellement absorbée par les plantes subit une décomposition au moins partielle, dans les zones arctiques, les racines sont gelées et le mercure imprégnant les végétaux se retrouve piégé dans les sols. Avant de retourner à l’atmosphère et aux cours d’eau à la moindre de fonte ou moindre dégel.

Car le problème, expliquent les auteurs de l’étude, c’est que nous ne savons pas où le mercure va se répandre. Soit il va se diffuser dans les océans à partir des rivières, soit il va se diffuser dans l’air, transporté par les pluies. Mais le risque immédiat c’est qu’il contamine de plus en plus les poissons, ce qui représentera un danger pour ceux qui les consomment, entraînant des empoisonnements d’abord pour les populations arctiques indigènes, puis pour tous les habitants de la planète qui en mangent régulièrement.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
À Nîmes, l’écologie populaire s’empare du logement
Reportage 9 juillet 2025 abonné·es

À Nîmes, l’écologie populaire s’empare du logement

Dans cette ville du Gard violemment touchée par les canicules, l’habitat « bouilloire » fait les premières victimes de ces vagues de chaleur d’une intensité croissante. Une thématique au cœur du festival les Vers du Ter-Ter.
Par Embarek Foufa