Procès de Tarnac – Jour 5

Retour sur la cinquième journée d’audience, plus longue que prévu et toujours parsemée d’échanges inattendus entre les accusés et le tribunal.

Ingrid Merckx  • 20 mars 2018 abonné·es
Procès de Tarnac – Jour 5
© ALAIN JOCARD / AFP

En attendant vendredi… À procès exceptionnel, procédure exceptionnelle : le tribunal se « transportera sur les lieux » le 23 mars. Soit à Dhuisy en Seine-et-Marne, sur la voie ferrée où les sabotages dont sont accusés Yildune Lévy et Julien Coupat ont été constatés le 8 novembre 2008.

L’audience de ce cinquième jour semble ne servir qu’à préparer ce déplacement déterminant. Pour la défense, qui s’applique à accumuler les incohérences relevées dans les procès verbaux de renseignements et de constat, D104 et D1622, sur la base desquels les prévenus ont été arrêtés. Pour le ministère public, qui tient à démontrer que les « erreurs » dans ces PV ne remettent pas en cause l’authenticité du document. Et pour la presse, qui a appris que seuls cinq journalistes pourraient faire partie du voyage, dont quatre de la presse judiciaire. Autant dire que les places sont chères. Comment les attribuer ? Les répartir ? Une auto-organisation se met en place pour un tirage au sort, « solution la moins injuste ».

L’audience a démarré dans la matinée contrairement au programme prévu initialement et annonçant 13h30 tous les jours. C’est la présidente du tribunal, Corinne Goetzmann, qui en a décidé ainsi en suspendant l’audience du vendredi 16 au soir. Motif : le tribunal a pris du retard. Mais tout le monde n’a pas été prévenu, de la presse jusqu’au cabinet du procureur…

Tensions…

Retards ou tensions ? La bienveillance affichée par la présidente les premiers jours bascule du côté du ministère public dans la matinée. Julien Coupat, qui l’agace très manifestement, se fait reprendre toutes les trois phrases. Les échanges sur les « usages au tribunal » parasitent le fond des débats. « Vous dites que le tribunal a un regard biaisé, je note ! », siffle la présidente. « C’est la deuxième fois que vous donnez des leçons d’instruction au tribunal ! », gronde un assesseur. « Je vais m’expliquer… », mouline Julien Coupat qui rappelle que les prévenus sont devenus experts du dossier qui les a écrasés.

« Regardez le tribunal quand vous répondez au procureur ! », lui jette la présidente. « C’est pas naturel… », murmure le prévenu qui essaie de tenir son cap : rajouter des éléments à décharge au dossier instruit à charge depuis dix ans.

Mais quand le procureur Olivier Christen se trompe dans une date, il ne tient plus : « Bah alors, Christen ! », glousse-t-il. « Monsieur Coupat !, engueule la présidente. C’est votre seul moyen de défense d’être discourtois ? […] Vous offensez le procureur… Vous avez besoin d’une pause… »

Julien Coupat sent qu’il perd un peu la main. Il reprend ses explications en baissant d’un ton. Le procureur renvoie l’ascenseur à la présidente en soulignant que Julien Coupat et Maître Assous font « exprès » de ne pas respecter l’anonymat des témoins accordé par le tribunal, ce qui équivaut à ne pas respecter son jugement. Corinne Goetzmann se montre sensible au geste… Les rappelle à l’ordre… Désormais l’avocat et ses deux prévenus s’appliquent, un brin moqueur, à bien citer les enquêteurs de police par les codes « T2 », « T3 », et « T4 », que Coupat se fait souffler par Mathieu Burnel, plus précis.

Erreurs humaines + erreurs humaines

Le procureur décortique l’emploi du temps de Julien Coupat et Yildune Lévy pendant deux heures cruciales dans la nuit du 7 au 8 novembre. C’est l’heure de la contre-attaque sur l’accusation en faux du PV 104.

« Cela fait dix ans que vous mariez l’ironie et la lassitude à notre égard, soupire Julien Coupat. Vous isolez [les événement survenus à, NDLR] Dhuisy d’une thèse plus générale visant à nous mettre tous en cause… au moment des arrestations l’ensemble des gens arrêtés sont suspectés de sabotage… »

« Pourquoi ne vous accuse-t-on pas des trois autres sabotages ? », interroge le procureur. « Je me le demande ! risposte Julien Coupat. J’exige d’être accusé de tous ! », provoque-t-il pour souligner une nouvelle incohérence qui va dans son sens.

« Selon vous, tout vient forcément d’un complot ? », lâche Corinne Goetzmann. Son indulgence est passée du côté des « erreurs humaines » imputables aux enquêteurs de polices et aux personnes chargées de constituer les copies dans les dossiers. « Je veux bien reconnaître des erreurs, commente maître Assous, mais erreur + erreur + erreur… »

Charge de la preuve ?

L’audience suspendue pour le déjeuner reprend en début d’après-midi. Au menu : le témoignage d’un ancien responsable de la maintenance caténaire, qui ne se souvient plus bien de ses déclarations de l’époque et n’a jamais examiné un des crochets mis en cause.

Suit le rapport sur les huit tubes trouvés dans la Marne, après trois plongées, deux ans après les faits et cinq épisodes de crue, rappelle maître Dosé, l’avocate de Yildune Lévy. Ils sont pourtant versés au dossier. « Inversion de la charge de la preuve !, s’exclame l’avocate. Qu’on m’explique comment ils ont pu ne pas bouger… »

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