Rail et climat : même bataille !

La privatisation prévue de la SNCF est une aberration.

Dominique Plihon  • 7 mars 2018 abonné·es
Rail et climat : même bataille !
© ERIC CABANIS / AFP

Macron s’apprête à réformer la SNCF par voie d’ordonnance. La tactique utilisée est désormais rodée. Pour préparer l’opinion publique et les médias à la réforme, un rapport a été commandé à un proche du Président, Jean-Cyril Spinetta, ancien patron d’Air France et membre du conseil de surveillance d’Areva au moment de sa gestion catastrophique… Ce rapport a produit un diagnostic volontairement catastrophiste sur la SNCF, et ses recommandations sont celles du Medef : fin du statut des cheminots et du service public, fermeture des lignes non rentables, ouverture à la concurrence, privatisation.

On retrouve les trois ingrédients de la méthode Macron. D’abord, un passage en force, sans débat démocratique, par la voie des ordonnances, à la manière du récent démantèlement du code du travail. Ensuite, une approche purement technocratique et financière, comme en témoigne le discours d’Édouard Philippe pour annoncer la réforme, fondé uniquement sur des chiffres concernant les déficits, la dette, les coûts de la SNCF. Enfin, l’absence de priorité donnée à la transition écologique et sociale, alors que le transport ferroviaire est considéré comme l’un des plus écologiques – et l’un des moyens les plus efficaces de remédier aux fractures du territoire.

L’approche retenue est affligeante du point de vue de l’analyse économique, car elle contredit ses résultats les plus élémentaires. Il est reconnu depuis longtemps que l’activité du rail ne peut être gérée par une entreprise ordinaire, en raison de deux particularités : c’est une industrie nécessitant des infrastructures importantes, et donc des coûts fixes élevés ; et les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux liés au transport ferroviaire ne sont pas pris en compte par le marché. Les économistes parlent d’« échec du marché ». Donc la privatisation prévue de la SNCF est une aberration, comme en témoignent les échecs à l’étranger, illustrés par la renationalisation des lignes au Royaume-Uni à la suite de nombreux incidents.

Le comble de l’enfumage est l’ouverture à la concurrence imposée par les autorités européennes. Car, en France, la concurrence est totalement faussée entre les transports ferroviaires et routiers, ces derniers n’acquittant pas les taxes correspondant à leur coût pour la société, comme l’a illustré le recul du gouvernement face au mouvement des bonnets rouges en 2013. Rien n’est prévu dans la réforme pour le nécessaire « report modal » de la route vers le rail, beaucoup moins polluant.

L’argument majeur pour justifier la réforme de la SNCF est sa dette de 46 milliards d’euros. Mais cette dette résulte en grande partie des contraintes imposées par l’État, souvent à juste titre, à l’entreprise de service public, mais aussi des grands projets imposés et contestables, du type LGV Tours-Bordeaux. Non seulement l’État doit reprendre la dette de la SNCF, mais aussi lui procurer de nouvelles sources de financement « hors marché ». Une piste : l’épargne des livrets de développement durable ne sert aujourd’hui à financer des projets durables qu’à hauteur de 15 %.

L’avenir de la SNCF est notre affaire ! La résistance à la réforme Macron ne doit pas se réduire à un face-à-face entre le gouvernement et les cheminots.

Dominique Plihon Membre du conseil scientifique d’Attac

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