Contre les crosses républicaines

Lundi 9 avril, Macron a fait donner la troupe contre les zadistes puis d’autres phalanges contre des étudiant·e·s.

Sébastien Fontenelle  • 11 avril 2018 abonné·es
Contre les crosses républicaines
© photo : Jan Schmidt-Whitley / NurPhoto / AFP

Ce lundi 9 avril 2018, au (tout petit) matin, et sous les applaudissements de la droite plurielle (où M. Valls, une fois encore, s’est illustré par une particulière onctuosité), M. Macron (1) a fait donner la troupe – 2 500 gendarmes renforcés de blindés légers – contre les zadistes installé·e·s à Notre-Dame-des-Landes : cet assaut avait pour finalité, selon ses ordonnateurs – qui ont réussi à le dire sans rire (2) –, le « rétablissement de l’État de droit ».

Plus tard, dans cette même journée : M. Macron a laissé lancer d’autres phalanges contre des étudiant·e·s qui occupaient (ou bloquaient) leur fac.

Puis, le lendemain, M. Macron, regonflé sans doute par ce lâcher de puissance brute, a, pour un « entretien », reçu dans son Élysée « M. Jean-Yves Le Drian » – qui n’est pas seulement, comme le dit trop chichement l’« agenda de M. le président de la République » (3), son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, mais aussi, et surtout, depuis bien plus d’ans que nous n’en pourrions compter sur nos deux pouces, l’un des plus émérites voyageurs, représentants et placiers (VRP) de la République françousque, qui doit à ses talents, et à ce qu’il excelle notamment dans l’art de vendre des armes lourdes à des tyrans dégueulasses, de s’être hissé vers les sommets où trônent les meilleurs marchands de mort : merci, gars, tes succès sont un peu les nôtres (4).

Puis enfin, et comme pour clore par de la douceur cette virile séquence, M. Macron, immédiatement après avoir ainsi reçu ce si performant dealer de flingues (mais pour ma part je crois bien sûr qu’il s’agit là d’une coïncidence, ou d’un hasard agendesque), a donné dans son palais un « dîner en l’honneur » de l’un des plus exquis potentats d’un monde où ce titre est pourtant fort disputé : « M. Mohammed Bin Salman Bin Abdulaziz Al-Saoud (5)_, Prince héritier, Vice-Premier ministre, ministre de la Défense du Royaume d’Arabie saoudite »_ – et putatif acheteur de tant d’arsenaux made in France que la moindre promesse faite par lui d’acheter trois coutelas bleu-blanc-rouge provoque d’incandescentes épidémies d’orgasmes dans les couloirs des chancelleries.

Et certes « l’État de droit » reste pour cet hôte une notion encore un peu floue. Mais M. Macron, attentionné, ne lui en tient aucun grief – et cela me fait penser que les étudiant·e·s et les zadistes sont quand même un peu cruches de n’avoir pas encore pensé à commander au Drian quelques fusils d’assaut : cela du moins les prémunirait contre les crosses républicaines.

(1) Et non, comme on le croit trop couramment, son fidèle subordonné de l’Intérieur – l’éprouvant M. Collomb –, qui jamais n’agit sans l’aval du chef de l’État et qui par conséquent n’est, dans toutes ses menées, qu’un obéissant exécutant.

(2) Mais il est vrai aussi que M. Collomb rit peu : c’est d’un air compassé, ou sévère, selon ses jours, qu’il dit et fait d’horribles choses.

(3) elysee.fr/Agenda

(4) Si tu trouves que je fais des phrases trop longues, tu me le dis, hein ? Sinon, moi, tu sais, je continue : j’aime bien.

(5) Que la presse hexagonale, qui lui trouve un gros swag, appelle affectueusement « MBS » – par flemme, sans doute, d’aller jusqu’au bout d’une logique qui voudrait plutôt qu’elle lui donnât, si tu regardes bien, du MBSBAA-S.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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