Et que l’on ne vous y reprenne plus

C’est pas si grave, les appels à la haine antimusulmane, mais bon, ne fais plus ça devant tout le monde.

Sébastien Fontenelle  • 4 avril 2018 abonné·es
Et que l’on ne vous y reprenne plus
© photo : BERTRAND GUAY / AFP

L ‘autre jour, à Marseille, un policier municipal – et non des moindres, puisqu’il s’agit d’un commandant – s’est fait gauler en plein hobby : il lançait sur son compte Facebook, où il affichait de surcroît son soutien au sénateur-maire Front national des treizième et quatorzième arrondissements de la cité phocéenne [1], des appels à la confection d’une « France sans islam », genre raus les muslims. Aussitôt, rapporte La Provence, son directeur l’a convoqué pour le rappeler à son « devoir de neutralité et d’exemplarité », puis lui a signifié, selon Le Point, qu’il ne lui « laisserait pas de seconde chance ».

Et, bien sûr, cette dernière affirmation était une pure galéjade [2]. Puisqu’en réalité ce compréhensif manageur, informé, donc, du fait que l’un de ses plus proches collaborateurs exprimait publiquement sa ferveur « anti-islam », était précisément en train de lui accorder une deuxième chance – après tout, c’est pas si grave, c’étaient jamais que des appels à la haine antimusulmane, mais bon, ne fais plus ça devant tout le monde.

Il faut cependant accorder à cet indulgent patron – lui-même ancien policier national – que sa magnanimité, dans l’époque, n’a rien d’exceptionnel et que l’exemple, là, vient de haut et de loin : du ministère de l’Intérieur.

Vendredi dernier, par exemple, un agent du commissariat du XIXe arrondissement de Paris était tardivement jugé – la comparution immédiate reste une filière très sélective – pour avoir, le 24 mars 2016, asséné force coups de matraque à des élèves du lycée Henri-Bergson, « dont le comportement semblait pourtant peu virulent, voire inoffensif [3] ». Et l’on découvrait, en lisant dans Le Monde le compte rendu de ce procès, que « sa hiérarchie n’a, au demeurant, pas engagé de procédure disciplinaire à son encontre » : après tout, c’est pas si grave, c’étaient jamais que des lycéens, mais bon, ne fais plus ça devant tout le monde.

Lorsqu’il a pris son maroquin en mai 2017, l’excellent M. Collomb, ministre de l’Intérieur de M. Macron, a fait cette proclamation, marquée au coin du bon gros bon sens à deux balles à quoi se reconnaît immanquablement le mec de droite : « La tranquillité est la première des libertés publiques. Lorsqu’on est une personne âgée, que l’on rentre chez soi le soir, on ne doit pas avoir d’appréhension. » On veut croire qu’en ces matières sa religion n’est pas figée – et qu’il arrivera bientôt à la conclusion, également, que, lorsqu’on est une personne jeune et que l’on rentre chez soi, on ne doit pas avoir l’appréhension de se faire maraver par un keuf assuré que ses chefs couvriront ce défoulement. Une telle maturation aurait ceci de fructueux qu’elle pourrait même inspirer quelques pondérations du côté du Vieux-Port [4].

[1] Si tu as besoin d’autres clichés journalistiques, tu m’appelles : j’en ai encore plein.

[2] N’oublie jamais, quand tu confectionnes un papier sur Marseille, d’y mettre un peu du pittoresque parler provençal : il faut que ton lectorat te sente complètement investi.

[3] Le Monde, 31 mars 2018.

[4] Pour ce papier, donc, tu peux aussi caser quelques endroits symboliques – Bonne-Mère, Canebière, Vieux-Port, etc. Idéalement : tu ajoutes deux volumes de pastis.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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