« Des spectres hantent l’Europe » : Les fantômes d’Idomeni

Des spectres hantent l’Europe montre le quotidien d’un camp de migrants en Grèce.

Malika Butzbach  • 16 mai 2018 abonné·es

Et si, au cinéma, l’immigration était représentée non plus par des destins individuels, mais par des groupes indifférenciés ? C’est le projet du documentaire Des spectres hantent l’Europe, de l’écrivaine Niki Giannari et de la réalisatrice Maria Kourkouta. Poser deux caméras dans le camp d’Idomeni après la fermeture de la frontière entre la Grèce et la Macédoine, et filmer la vie des 15 000 migrants qui voient se fermer la route des Balkans. On ignore tout d’eux : leur histoire, le récit de leur exil et jusqu’à leur nationalité.

Les longs plans des pieds dans les files d’attente, où se mélangent sandalettes d’enfants et bottes boueuses, cet homme qui lance à un autre « Donne-moi 1 % d’espoir ! », les cris « Open the border » qui ponctuent le film… Toutes ces images évoquent le quotidien à Idomeni, dont le nom est davantage rattaché à un enjeu géopolitique européen qu’aux destins des exilés. Ceux qui se révoltent et décident de bloquer les voies des trains de marchandises.

Le documentaire n’en montre pas moins la complexité de la question, à travers de nombreux débats entre les Grecs et les habitants du camp. Les uns, malgré le contexte économique difficile de leur pays, nourrissent, soignent et proposent l’asile aux autres, qui, eux, n’ont qu’une idée, qu’un mot à la bouche : Allemagne.

Comment mieux rendre compte de l’hypocrisie européenne, qui laisse aux pays d’arrivée la charge de s’occuper des migrants, que par ces images ? La dernière partie du film réussit là où de nombreux médias ont échoué : prendre de la hauteur. Tournées avec une caméra argentique de 16 mm, en noir et blanc, les images d’Idomeni se mêlent à celles de la « jungle » de Calais, du ghetto de Varsovie et des prisons turques. Un recul historique nécessaire lorsqu’il est question de la fameuse « crise migratoire » que connaît l’Europe.

Des spectres hantent l’Europe, Niki Giannari et Maria Kourkouta, 1 h 30.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes