La vision d’une France que nous voulons !

TRIBUNE. Benoît Simon, président de l’Association 4D, plaide pour que les objectifs de développement durable (ODD), au cœur de l’Agenda 2030, guident nos actions pour construire un futur désirable pour chacun et pour notre pays.

Benoît Simon  • 25 septembre 2018
Partager :
La vision d’une France que nous voulons !
photo : Une Amap à Toulouse.
© PASCAL PAVANI / AFP

En annonçant sa démission le 28 août dernier, l’ex-ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a dressé un constat alarmant sur l’état de la démocratie dans notre pays. Gangrénée par la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir, notre démocratie est aussi menacée en dehors des institutions. En effet, selon le dernier rapport de l’ONG Civicus sur l’état de la société civile dans le monde, l’espace civique (en d’autres termes, le droit de s’exprimer, de s’organiser et de se mobiliser) s’est considérablement réduit en France ces deux dernières années. Nombreux sont les exemples qui viennent nous le rappeler : secourir des migrants dont la vie est en danger, s’exprimer en faveur d’une alimentation sans pesticides, se mobiliser pour que piétons et cyclistes gagnent de l’espace sur le tout voiture, dénoncer l’évasion fiscale et l’enrichissement de quelques-uns aux dépens de la majorité de la population… deviennent des actes de résistance quotidiens. La liberté, l’égalité, et la fraternité livrent bataille à l’indifférence ou, pire, au cynisme qui rongent notre société en brisant notre lien à l’autre et à la nature.

Et pourtant il y a (eu) un acte de conscience universel. Le 25 septembre 2015, l’Agenda 2030, plan d’action mondial pour le développement durable, est adopté lors de l’assemblée générale des Nations unies, après deux ans d’intenses négociations impliquant à la fois les États et les représentants de collectivités territoriales, d’associations, de syndicats, du secteur privé et de la recherche. Ce plan d’action n’est pas une alternative parmi d’autres. C’est au contraire l’unique scénario de prospérité soutenable et équitable pour garantir la stabilité politique et sociale au sein des pays et entre les pays. La France, qui en a été l’un des principaux acteurs diplomatiques et politiques, doit maintenant de façon responsable s’engager dans sa mise en œuvre et prendre sa part de leadership pour apporter une réponse forte et ambitieuse aux partisans du statu quo et de l’isolationnisme.

L’Agenda 2030 porte la promesse d’une société mondiale à l’horizon 2030 qui ne laisse personne de côté, qui garantisse le plein exercice d’une citoyenneté politique, sociale, et écologique, et qui protège la planète. Au cœur de l’Agenda 2030 figurent les objectifs de développement durable (ODD), qui, grâce à des cibles universelles, doivent inspirer et guider nos actions pour construire un futur désirable pour chacun et pour notre pays. Cette France désirable, c’est une France où chacun peut vivre décemment de son travail, jouir d’un environnement sain et sûr, accéder à un système de santé et une éducation de qualité, à une alimentation saine, et participer à la vie démocratique de son territoire. C’est aussi une France dont la politique de coopération contribue à la promotion et la réalisation de ces valeurs avec ses partenaires.

Comment, aujourd’hui, construire collectivement cette « France que nous voulons » ? Quelles solutions développer, quels comportements adopter, individuellement et collectivement, pour protéger notre environnement, combattre les inégalités et renforcer notre solidarité ?

Vous et moi, premiers acteurs du changement

Des solutions existent déjà. Citoyens et acteurs de la société civile agissent à leur échelle, pour venir en aide aux plus démunis, pour réduire les inégalités, pour protéger leur environnement, ou pour revitaliser notre démocratie. Ils s’engagent en adhérant à une association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), pour donner des cours de français aux migrants, pour sensibiliser les consommateurs à l’achat de vêtements de seconde main ou pour remettre les citoyens au cœur des politiques publiques. Ils s’engagent en créant des coopératives éoliennes ou solaires citoyennes ou en s’abonnant à un fournisseur d’électricité renouvelable. Ils s’engagent en adoptant des comportements sobres, qui passent par la réduction de leurs déchets, le boycott des marques pratiquant l’obsolescence programmée, le végétalisme ou la consommation raisonnée de produits animaux pour s’opposer aux conditions d’élevage et d’abattage, la dénonciation des produits contenant de l’huile de palme pour s’opposer à la déforestation importée. Ils s’engagent, enfin, en participant à la vie de leur quartier et à la politique de leur ville, parfois en réinventant la démocratie via le numérique ou en dénonçant l’irrationalité de la finance et ses dérives et en créant des monnaies alternatives locales.

Nous donner tous les moyens d’agir : le nécessaire engagement des pouvoirs publics

Mais pour que ces actions soient véritablement transformatrices et changent d’échelle, il faut aussi un engagement fort des pouvoirs publics. L’État et les collectivités territoriales doivent montrer l’exemple et s’engager à respecter et à promouvoir l’ensemble des valeurs inscrites dans ce plan mondial dans leurs propres politiques publiques. Une feuille de route, très attendue, est en cours d’élaboration sous la responsabilité et l’impulsion de madame Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État chargé de la Transition écologique et solidaire. Nous réitérons aujourd’hui les nombreux appels lancés lors du deuxième anniversaire de l’adoption des ODD en septembre 2017 pour encourager les institutions gouvernementales et parlementaires à produire une feuille de route à la hauteur de l’ambition transformatrice de l’Agenda 2030. Pour que nos actions individuelles soient efficaces au niveau collectif, il faut nous donner tous les moyens d’agir.

Nous donner tous les moyens d’agir, c’est avant tout être informé. Nous devons mettre en lumière les bénéfices individuels, immédiats et futurs, liés à la mise en œuvre des ODD. Pour faciliter l’engagement de tous les citoyens, au-delà des initiés, nommons un binôme d’ambassadeurs, composé d’une personnalité politique et d’une personnalité du monde artistique ou des médias, chargé d’inspirer et de diffuser des solutions innovantes pour la mise en œuvre des ODD.

Nous donner tous les moyens (et l’envie) d’agir, c’est aussi montrer l’exemple en renforçant le cadre national de gouvernance du développement durable. Une vision telle que celle véhiculée par l’Agenda 2030 nécessite d’être portée au plus haut niveau, en plaçant au sein de l’État la démarche sous l’autorité du Premier ministre pour assurer une mise en œuvre cohérente des ODD par les ministères, en définissant le rôle des différentes assemblées, en mobilisant les collectivités territoriales, et en assurant au Commissariat général au développement durable les moyens de soutenir cette démarche. L’État doit en outre appliquer les normes existantes. En 2015, l’adoption de la loi Sas « visant à la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques » semblait témoigner d’une volonté de la part des pouvoirs publics « d’élargir les cadres statistiques pour guider l’action publique dans une perspective de durabilité » (Thiry, 2017). Or, aujourd’hui, l’ambition initialement portée par la députée Eva Sas dans la définition de cette loi a disparu dans son application : retard dans la publication des rapports annuels dans le cadre de chaque exercice budgétaire, simple outil de communication pour justifier la poursuite d’une « croissance durable »… Pourtant, cette loi constitue un premier pas pour permettre un vrai suivi des progrès réalisés dans la mise en œuvre d’une transition écologique et solidaire. Complété par les indicateurs de suivi des ODD, ce nouveau cadre statistique est une boîte à outils extraordinaire capable de mettre en lumière les interrelations entre questions environnementales, sociales et économiques, gérer les injonctions contradictoires qui en découlent, et œuvrer à la cohérence et l’efficacité des politiques publiques.

Nous donner tous les moyens d’agir, c’est enfin permettre aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits démocratiques, notamment en participant au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre des ODD pour juger collectivement des progrès réalisés au regard des enjeux qui comptent pour eux. L’initiative d’enquête MYWorld Scientific, lancée par la campagne d’action des Nations unies pour les ODD, constitue un outil intéressant pour collecter des données citoyennes tant quantitatives que qualitatives pour le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des ODD.

En septembre 2019, les chefs d’État et de gouvernement des 193 pays membres de l’ONU se retrouveront pour établir un constat d’avancement. Nous devons anticiper ce rendez-vous et agir, là où les indicateurs de performance montrent que nous devons encore progresser, en engageant les efforts nécessaires en étroite collaboration avec l’ensemble des partenaires pour combattre efficacement les maux de notre société. Pour mettre en mouvement la société française, la feuille de route gouvernementale devra s’articuler avec les politiques publiques, nationales et locales, avec les outils et les instruments de changement et d’action. Le message qu’elle véhiculera doit faire référence pour les acteurs privés et les corps intermédiaires. Il doit permettre de soutenir les positions défendues par la France à l’échelle européenne et internationale. Enfin, ce message doit être celui qui est attendu, espéré par nos concitoyens qui s’interrogent sur la finalité des réformes. Il doit les réorienter et leur donner un sens : celui de l’équité, de la prospérité, et de la soutenabilité. Celui de la France que nous voulons, pour toutes et tous.

Publié dans
Tribunes

Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.

Temps de lecture : 8 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Les soutiens d’un État génocidaire n’ont pas leur place dans nos luttes féministes !
Tribune 28 mars 2024

Les soutiens d’un État génocidaire n’ont pas leur place dans nos luttes féministes !

TRIBUNE. À l’initiative d’Urgence Palestine, plus de 500 personnalités, militant.e.s, et collectifs féministes dénoncent l’instrumentalisation de leur lutte par le collectif « Nous vivrons » et assurent que « la libération de la Palestine est une cause féministe ».
Par Collectif
« Madame la ministre, il est urgent de garantir l’indépendance des rédactions »
Tribune 26 mars 2024

« Madame la ministre, il est urgent de garantir l’indépendance des rédactions »

TRIBUNE. Après la crise intervenue au quotidien La Provence, soixante-dix sociétés de journalistes, médias – dont Politis -, syndicats et collectifs interpellent la ministre Rachida Dati pour lui demander de défendre enfin l’indépendance du journalisme.
Par Collectif
Les restaurants universitaires doivent offrir une option végétalienne
Tribune 11 mars 2024

Les restaurants universitaires doivent offrir une option végétalienne

Dans une lettre ouverte au Cnous, Jade Béniguel et Clovis Waroquier, co-référents des Jeunes REV (Révolution Écologique pour le Vivant), appuient les étudiant·es qui exigent des options végétaliennes dans les restaurants universitaires.
Par Jade Béniguel
Des collaborateurs du groupe Écologiste demandent une sanction contre Julien Bayou
Lettre ouverte 8 mars 2024

Des collaborateurs du groupe Écologiste demandent une sanction contre Julien Bayou

Dans une lettre ouverte adressée au groupe Écologiste de l’Assemblée nationale, 21 collaboratrices et collaborateurs parlementaires ne se satisfont pas de la mise en retrait du député visée par une plainte d’Anaïs Leleux, militante féministe et ex-compagne.
Par Collectif